Funny Games US

Réalisateur: 

Jeux pervers



Le goût de la violence

Ann, George et leur fils sont en route vers leur résidence secondaire pour y passer les vacances d’été. Leurs voisins, Fred et Eva, sont déjà arrivés depuis quelques jours et ils décident de tous se retrouver le lendemain pour une partie de golf. Tandis que sur le lac avoisinant son mari et son fils s’affairent sur leur voilier récemment remis en état, Ann commence à préparer tranquillement le dîner lorsqu’elle est interrompue par un visiteur qui frappe à sa porte. Elle va ouvrir et se retrouve face à Paul, un charmant jeune homme très avenant qui se présente comme étant l’un des invités de ses voisins et affirme avoir été envoyé par Eva pour lui emprunter si possible quelques œufs, à condition que cela ne la dérange pas.
Ann s’apprête à les lui donner avant d’hésiter car elle se demande soudain de quelle façon son visiteur a-t-il bien pu pénétrer dans leur propriété dans la mesure où cette dernière est entourée d’une haute clôture grillagée et que la porte du grillage était verrouillée. Les évènements prennent alors rapidement un tour inattendu, Paul est bientôt rejoint par un de ses amis, Peter, et la situation ne tarde pas à virer au cauchemar pour le couple et leur fiston. La nuit ne fait que commencer et ils vont vivre un véritable enfer.

L’ennui

Avec son film originel et son propre remake US, Haneke a pour but de dénoncer l’impact de la représentation de la violence par les médias. Il s’arrange donc pour faire en sorte que le spectateur assiste à différentes manifestations de cette violence, tant physique que psychologique, et cherche à le forcer à s’interroger sur son propre rôle ou du moins sur sa complaisance à l’accomplissement de tels actes. Pour cela, il utilise une mise en scène réaliste, qui privilégie les longs plans et exclut tout sensationnalisme ou autre effet de montage frénétique (genre clip vidéo). Les exactions sont commises hors champ laissant ainsi l’imagination, plus ou moins fertile, du spectateur faire son œuvre mais on entend quand même les hurlements de terreur et de douleur des malheureuses victimes avant que la caméra ne finisse par nous en dévoiler le résultat sanglant. Haneke se borne à montrer la violence dans toute son horreur avec son lot de “dommages collatéraux” et autres traumatismes permanents qu’elle engendre mais en se gardant bien d’en donner la moindre explication. Les “tueurs-nés” s’en prennent à leurs victimes juste pour le fun, histoire de passer le temps et de tenter de chasser leur ennui mais ils le font sans haine, ni désir de vengeance, ni même y prendre d’ailleurs de véritable plaisir. Une fois qu’ils ont fini leur jeu macabre dans une maison, ils se contentent de passer tout simplement à la suivante. On a affaire ici à un tandem de jeunes hommes, aussi polis que froids et cruels, qui officient sans aucun état d’âme mais en gants blancs puisqu’ils commettent leurs horribles forfaits dans le beau monde. Tous deux appartiennent à une jeunesse dorée qui ne sait plus quoi inventer pour tromper son ennui et combler la vacuité de leur existence.
Le cynisme de ces meurtriers, qui commettent des actes criminels purement gratuits, est tel qu’ils vont même jusqu’à s’adresser directement au spectateur par l’intermédiaire de la caméra ou à s’amuser à rembobiner si nécessaire une séquence pour modifier le cours des évènements en leur faveur. Etant dénués de tout sens moral, ils n’accordent pas plus d’importance au fait de casser un œuf que de tuer un être humain.

Funny Games US (re)pose donc sur le tapis l’éternel sujet de réflexion consistant à se demander qui est exactement responsable de quoi : est-ce la violence montrée au quotidien par les différents médias : télévision (scènes de guerre ou d’attentats dans les JT, films et séries TV), cinéma (slashers, films de torture comme la série des Saw ou des Hostel, …), jeux vidéo, Internet (scènes de décapitation d’otages filmées puis diffusées par des terroristes)… qui poussent et encouragent des criminels en puissance à passer à l’acte ou est-ce que ce que les médias nous montrent à longueur de temps n’est en réalité que le reflet de nos sociétés, dites “modernes” ce qui ne veut d’ailleurs pas forcément dire “civilisées” ? C’est un peu comme de se demander qui de l’œuf ou de la poule est arrivé en premier ?


Au final, on se demande donc quel peut vraiment être l’intérêt de refaire le même film à l’identique en ne changeant que le casting (qui en l’occurrence est excellent) dans la mesure où de nombreux bouleversements se sont produits dans le monde entier pendant les 11 années qui séparent la sortie de l’original et de son remake et ce, d’autant plus, que la violence avec son lot d’atrocités est plus que jamais présente dans notre quotidien. La nature humaine étant malheureusement ce qu’elle est depuis la nuit des temps, ce n’est donc pas la réflexion philosophique d’une poignée de spectateurs sur les éventuels liens de cause à effet entre la violence et l’omniprésence de sa représentation dans les médias qui va y changer quelque chose.

Funny Games US

Réalisation : Michael Haneke

Avec : Naomi Watts, Tim Roth, Michael Pitt, Brady Corbet, Devon Gearhart

Sortie le 23 avril 2008

Durée : 1 h 51

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