Eifelheim

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Ce livre peut être abordé de deux façons différentes suivant qu’on privilégie l’un ou l’autre des fils narratifs. D’une part, il y a l’histoire de la tentative de cohabitation entre des extraterrestres, des sauterelles humanoïdes, dont le vaisseau spatial a fait naufrage près d’un village de la Forêt-Noire, Oberhochwald, à la veille de la destruction de ce village par la Grande Peste. Histoire qu’on lit avec intérêt en raison du soin de l’auteur pour présenter des personnages et des idées conformes à la réalité de cette période, à la veille de la Renaissance. Mais il n’est pas question de la lire comme un suspense puisque la fin est connue depuis le début de la lecture, révélée par le fil contemporain, celui qui est en fait à l’origine du roman : la recherche d’un historien pour savoir pourquoi un village de la Forêt-Noire, aujourd’hui connu sous le nom d’Eifelheim, a été complètement abandonné et considéré comme un lieu maudit après sa destruction par la peste noire en 1349. Et comment ces recherches historiques vont interférer avec celles de sa femme physicienne qui étudie les dimensions cachées de l’univers et la possibilité d’un voyage interstellaire. Et découvrira dans les documents étudiés par son mari une réponse inattendue au paradoxe de Fermi : ils sont venus, mais leur venue a été oubliée, confondue avec une invasion de démons.

Mais, par rapport à la nouvelle qui a préparé le roman, sur l’interférence entre recherches historiques et recherches de physique, le développement de la confrontation entre hommes du Moyen Âge (dont un curé philosophe, élève de Buridan et d’Occam) et extraterrestres dont la pensée et les connaissances sont - peut-être trop pour la vraisemblance - proches de celles des hommes modernes, et dont le corps insectoïde réveille les superstitions des paysans, et le soin apporté par Michael Flynn à respecter ce que nous savons de la pensée de cette époque, rendent la lecture du roman passionnante pour quiconque s’intéresse à l’histoire de la pensée humaine.

Quelques détails me semblent prouver le caractère fictif de l’histoire. Cela aurait pu arriver, mais si cela était arrivé, nous l’aurions découvert depuis longtemps : même abandonné et considéré comme maudit pendant plusieurs siècles (cela aurait pu arriver), le village aurait certainement été réhabité et étudié au cours du siècle passé, qui a nié ou voulu comprendre superstitions et malédictions ancestrales. Quel dommage, se dit le lecteur en arrivant à la fin...

Eifelheim de Michael J. Flynn, traduit par Jean-Daniel Brèque, Livre de Poche n°32517, 2012, 687p., couv. Dirk Wüsterhagen Imagery, 8€60, ISBN 9-782253-134992

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