Marches nocturnes

Les Editions Nuit d’Avril m’avaient fait découvrir Franck Guilbert, Céline Guillaume, Sire Cédric, Olivier Bidchiren, Estelle Valls de Gomis, Armand Cabasson et, last but not least, Michel Rozenberg : quelle pépinière de talents ! A laquelle vient à présent s’ajouter Franck Ferric.

« Treize textes de rupture et de transgression » précise le quatrième de couverture. En effet, il s’agit ici de ’fantastique canonique’ traditionnel, et remarquablement bien écrit. Un vieil aveugle surgit un soir dans la maison : toute la nuit, il racontera ses histoires puis, le lendemain matin, rassemble ses cartes de tarot et s’en va. Voilà le cadre. Les treize récits occupent donc le centre de l’ouvrage, et passionneront le lecteur le plus exigeant. Tous les genres sont représentés : historique, légendaire, poétique, ésotérique, horrible (gore, même), féérique, aventure, exotisme, fantasy urbaine...Calmement, et dans un style tour à tour distant ou lyrique, Ferric nous emmène dans des univers aussi différents que semblables : ceux d’un quotidien légèrement décalé, qui peut aboutir à la plus effroyable des réalités. J’en veux pour preuve La part des cendres, Intraspection ou Nightfall, textes durs et forts, qui ne laissent pas indifférents. Mais l’art de Franck Ferric se déploie plus, je pense, dans un fantastique poétique, plus onirique, qui apparaît dès le premier texte, Nain rouge, polar faustien des plus réjouissants.

Les trois nouvelles m’ayant le plus impressionné sont trois échappées lyriques fort originales. Fée d’hiver et Dernière rame allient à la perfection la réalité la plus concrète à ce sentiment de mystère merveilleux que crée le meilleur fantastique. Et qui, paradoxalement, délivre un moment de bonheur fugace à l’issue de la lecture. Le fil des eaux, enfin, le plus beau texte peut-être, renouvelle magnifiquement le thème bien classique de l’ondine.

Un recueil à savourer lentement, savamment, délicieusement.

Franck FERRIC, Marches nocturnes, illustration : tyrellcorporate, 196 p., Editions Nuit d’avril