Empire en héritage (L’)

Auteur / Scénariste: 

Grand Dieu ! ce n’est pas une cause

Que j’attaque ou que je défends...

Et ceci n’est pas autre chose

Que l’histoire d’un pauvre enfant.

 

Edmond Rostand

 

Ce petit quatrain précède L’Aiglon, drame de Rostand, créé à Paris en 1900. Moins souvent représenté que Cyrano de Bergerac, il reste un superbe témoignage du talent poétique hors du commun de son auteur et de son pouvoir émotionnel inégalé. Même si l’on ne ressent pas de passion particulière pour l’épopée napoléonienne, on ne peut rester insensible à la vie si tragique de Napoléon II, duc de Reichstadt, mort à 21 ans (1811-1832), et magnifiquement exalté dans la pièce. Le destin douloureux de ce jeune homme, reclus à Vienne dans une cour étrangère et rêvant à la gloire de son père, a inspiré Victor Hugo, chantre de la geste impériale, mais aussi des cinéastes et des musiciens. Il était tentant de lui demander d’accomplir l’avenir qu’il se dessinait, ou du moins d’essayer.

 

C’est ce que vient d’écrire Serge Hayat dans cette uchronie en trois parties : Vienne, Paris, Sainte-Hélène. Rien qu’à la lecture de cette division, on imagine déjà l’aventure. Le lecteur en a d’ailleurs l’avant-goût dès les premières pages, où il assiste à l’enterrement du duc de Reichstadt à... 16 ans : il comprend tout de suite qu’il ne suit pas l’histoire officielle : l’uchronie commence ! Dans la partie Vienne resurgit la magie de la cour d’Autriche-Hongrie sous François Ier et Metternich, décrite de manière fidèle et brillante. Mais François réussit à s’enfuir à Paris (alors qu’il échouera dans l’acte IV de la pièce de Rostand, et qu’il ne le tentera jamais dans sa vraie vie). Il plongera dans la vie parisienne et fera la connaissance d’une bande de révolutionnaires conduits par un certain Louis-Napoléon Bonaparte (autre entorse à l’Histoire, le vrai Napoléon III ayant 12 ans à l’époque !). Très perdu, presque misérable, le pauvre Aiglon sera recueilli dans une auberge interlope par Catherine, la « tenancière au grand cœur » chère au roman-feuilleton. Intervient alors l’alter ego français de Metternich, le prince de Talleyrand-Périgord, qui convaincra le jeune duc de se rendre à... Sainte-Hélène, rencontrer ce père qu’il ne connaît pas. Et voici François et Catherine embarquant pour l’île lointaine...

 

Je ne révélerai pas la fin de ce roman, fort agréablement écrit, et qui se lit d’une traite, avec grand amusement. Serge Hayat, financier, économiste, puis actif dans le monde de la production cinématographique, se révèle, dans son premier roman, un écrivain maniant la langue française avec bonheur et très à l’aise dans l’évocation d’un passé qu’il ressuscite avec talent et passion.

 

 

Pour ceux que la figure de Napoléon II intéresse, signalons la parution toute récente d’une intégrale de L’Aiglon, opéra en cinq actes, écrit à quatre mains par Arthur Honegger et Jacques Ibert, et créé à Monte-Carlo en 1937. L’œuvre est brève (une heure et demie), très fidèle à Rostand et fort émouvante. Le rôle titre est interprété par la jeune et brillante soprano belge Anne-Catherine Gillet et dirigée par le chef d’orchestre Kent Nagano, suite à une production en concert de l’Orchestre Symphonique de Montréal en 2015.

                                      

Serge Hayat, L’Empire en héritage, Allary Editions 2015, ISBN 978-2-3703-061-9, 491 p., 19,90 euros.

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