Effondrement de la civilisation occidentale (L’)

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La science-fiction construit un avenir imaginaire ; l'histoire tente de reconstruire le passé. Toutes deux ont pour objectif de comprendre le présent. Nous fusionnons ici les deux genres : un historien futur se penche sur un passé qui est notre présent et notre avenir (possible).

 

Ainsi commence ce petit livre passionnant, au titre-choc. Les auteurs, l'un professeur à Harvard et l'autre historien à la NASA – excusez du peu –, s'imaginent en 2093 et relatent, depuis ce futur proche, l'effondrement de notre civilisation, dont ils datent le début de la fin des années 1980. Rappelant la chute des empires romain, inca ou byzantin, ils posent ce constat terrible : « Les peuples de la civilisation occidentale savaient ce qui leur arrivait, mais ils ont été incapables d'enrayer le processus ». L'astuce du déplacement temporel, pour amusant qu'il soit, est secondaire, et ne doit pas masquer la rigueur du propos.

 

La première partie se focalise sur le dioxyde de carbone et l'effet de serre, qui provoqueront le réchauffement climatique. Les deux grands chapitres de l'ouvrage sont consacrés, l'un à « la frénésie des énergies fossiles » et l'autre à « l'échec du marché ». Il est vrai que ce que les auteurs nous assènent, nous le savons en 2014 : le but est de « maintenir l'emprise des géants des combustibles fossiles sur la production et la consommation d'énergie ». Le déni du désastre annoncé est donc économique, mais aussi politique. La fonte de la banquise est connue, les auteurs y ajoutent le dégel du permafrost arctique et la montée du niveau de la mer : ce sera le Grand Effondrement. S'ensuivra une période de migration massive, suivie de la résurgence de la peste noire. Vers 2090, une généticienne japonaise met au point une forme de lichen qui absorbe le CO2 : le monde respire, les survivants reconstruisent.

 

Suit le chapitre économique sur le marché. Les auteurs voient ici la seconde cause de la catastrophe, la croyance quasi religieuse dans ce qu'ils appellent le « fondamentalisme du marché ». Exaltant la liberté individuelle et surgi de l'esprit des Lumières en réaction contre l'Ancien Régime, le libéralisme s'impose et triomphera  suite à la chute du communisme soviétique. L'intervention des États a été bannie au nom de cette foi aveugle dans l'aptitude du marché qui réglerait tout. Rien n'a été planifié et le désastre est arrivé. Curieusement, nos deux auteurs écrivent dans une Chine de 2093 qui, grâce à un régime centralisé, a évité le pire.

 

Peut-on à nouveau démocratiser ? Cette conclusion, un peu hâtive et éminemment politique, peut surprendre. Mais l'ouvrage est intéressant, parfois ardu : il suscite la réflexion – tel est le propre du regard science-fictif. Regard que les auteurs ne nient pas, au contraire : dans une longue interview, ils avouent leur dette envers de grands auteurs tels le Frank Herbert de Dune, ou le Kim Stanley Robinson de La trilogie martienne. Interview qui se clôt par la phrase : « Un livre, c'est comme une bouteille à la mer. on espère que quelqu'un l'ouvrira, le lira et recevra le message. Quel qu'il soit ».

 

Erik M.Conway et Naomi Oreskes, L'effondrement de la civilisation occidentale, traduction de Françoise et Paul Chemla, photo de couverture de Maciej Toporowicz, Éditions Les liens qui libèrent 2014, 121 p., 13,90 euros

 

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