Onde Septimus, Blake & Mortimer T22 (L')

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Courte chronique bande-dessinée enthousiaste aujourd’hui, sur le nouvel album post-mortem des péripéties aventuro-scientifiques de Blake et Mortimer, L’onde Septimus, suite uchronique du fameux et fascinant album dessiné par Edgar P. Jacobs, La marque Jaune.

 

Cette fois-ci, puisque vous n’êtes pas sans savoir que plusieurs équipes se relaient pour donner une suite à la série à un rythme soutenu, il s’agit de Jean Dufaux au scénario, Antoine Aubin et Etienne Schréder au dessin et Laurence Croix à la couleur, travail que l’on oublie trop souvent de citer. Nous laissions à la fin de La marque Jaune, Olrik en cobaye échappant au contrôle du maléfique professeur Septimus et le tuant avec son invention même, le contrôle des esprits humains par l’onde Méga.

Dans L’onde Septimus, un groupe de conjurés veulent reprendre les travaux fascinants de Septimus et parvenir à contrôler l’onde Méga, et bien sûr régenter le monde, prendre le pouvoir.

Attention, je vais révéler quelques faits de l’histoire, mais c’est indispensable pour chroniquer...

Le professeur Mortimer, lui aussi, reprend, en cachette de son ami Blake, la recherche à partir d’éléments du laboratoire détruit de Septimus. Mais il lui manque un cobaye pour tester cette fameuse onde manipulatrice de l’esprit humain, afin d’aider à guérir les cas les plus graves de maladies mentales.

Mais voilà qu’Olrik redevient le cobaye de tout le monde...

Et que l’onde Méga est gravement perturbée par une autre source d’onde située sous Londres, un mystérieux vaisseau découvert durant la guerre mondiale contre l’Empereur Jaune (voir Le secret de l’Espadon). Découverte fabuleuse qu’un ministre de l’époque avait cachée à Blake. Cerise sur le gâteau, Septimus réapparaît, apparemment pas tout à fait mort... Il se multiplie, bientôt des centaines de Septimus à la recherche de son cobaye d’antan, Olrik, envahissent les rues de la capitale anglaise, visiblement émanations du passager sans visage du mystérieux vaisseau...

Nous nous retrouvons là dans les tableaux de Magritte, ou encore dans certaines scènes de la trilogie filmique Matrix, mélange de deux époques, celle de Jacobs et celle des auteurs d’aujourd’hui.

 

Au-delà du dessin admirablement dans la lignée de l’auteur originel, tant par le trait, le découpage que par la couleur, l’album, à mon sens, est véritablement une réussite.

Enfin depuis la reprise de la série par divers auteurs, nous avons une véritable histoire qui décrypte et pulvérise la narration originale de Jacobs, toujours manichéenne, toujours moralisatrice, formidablement efficace du point de vue aventureuse, mais qui forcément ne nous paraît pas de notre temps.

Cette fois, Blake & Mortimer rentre dans le 21ème siècle et c’est un véritable plaisir pour le lecteur assidu de l’œuvre de Jacobs, une surprise plus qu’agréable.

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Sans mésestimer le travail des autres scénaristes des albums post-mortem, leur tentative de modernisation consistait essentiellement à introduire des personnages féminins, à situer leurs personnages un peu plus en avant dans le temps et à aborder des changements sociaux. Surtout, le respect, ou l’obligation de l’éditeur de « respecter l’œuvre », les mettait dans l’impossibilité de véritablement renouveler la série.

Il s’agissait de faire du Jacobs, de belle manière avec des idées intéressantes, mais sans plus.

Difficile alors d’être excité(e) par une lecture sans grande surprise. La narration, la manière d’envisager les personnages dataient des années quarante, cinquante au mieux.

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Il en va tout autrement dans ce nouvel opus.

Impossible de savoir où nous mène le scénariste Jean Dufaux. Nous sommes constamment dans le doute. A chaque page, nous voulons voir la suivante, comme dans les albums de Jacobs, pour savoir.

Nous ne comprenons pas tout tout de suite. Et peut-être même jamais.

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Mieux, les personnages apparaissent enfin dans leurs contradictions intimes et sociales.

Les scientifiques, cyniques ou bienveillants comme Mortimer, héros de la résistance de la Civilisation Occidentale contre les Asiatiques, les Jaunes dixit Jacobs, en arrivent par fascination pour l’invention de Septimus, et malgré tous les dangers pour autrui, à chercher des cobayes humains...

La raison, la morale ne sont rien face au goût pour le pouvoir, le savoir. Mortimer devient ce qu’il a sans doute toujours été dans tous les albums, mais caché, un scientifique invétéré, prêt à tout pour le savoir.

Désapprouvé par son serviteur Nasir, taisant ses recherches à son meilleur ami Blake par peur de son jugement moral, il poursuit ses recherches, ayant obtenu illégalement des restes du laboratoire de Septimus mis sous scellés...

Blake, croyant être le garant de la Couronne britannique au service d’un gouvernement ayant à cœur les intérêts du pays, s’aperçoit que ce gouvernement, du moins un ministre, lui ment, lui a caché une découverte capitale, à lui, le plus honnête serviteur...

Olrik, personnage maléfique, n’est plus qu’une victime, un être déchu, devant se soigner avec des drogues dont il dépend.

Lui et Mortimer n’auront même pas l’occasion de s’affronter. Ils collaboreront, car il n’y a pas d’autre choix.

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Sans qu’on le perçoive très clairement tout de suite, c’est indéniable, Jean Dufaux a rendu, donné même pour la première fois leur liberté aux principaux personnages de la série.

Olrik, Blake et Mortimer sont enfin ce qu’ils sont en vérité, ce qu’ils seraient dans la vraie vie et non dans le monde fictionnel inventé par Edgar P. Jacobs.

Par le dessin si similaire aux albums tant aimés des années 50, 60 et 70, nous voilà plongés dans une œuvre à deux visages, déchirée et donc qui nous trouble véritablement.

Le trait est le même, les personnages sont bien différents, passionnants, redécouverts en quelque sorte à l’aube du 21ème siècle, où le manichéisme de la guerre froide ne sont plus.

Mais où tout est devenu confus, compliqué, où on ne sait plus où se situe le mal, l’ennemi. Sinon en soi ?

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Quant à Septimus, il n’existe plus, malgré sa silhouette hantant Londres et les esprits, incapables de se détacher de ce personnage qui a osé défier l’ordre moral, qui a mis la Science par-dessus tout.

Il a ouvert la boîte de Pandore : une découverte scientifique ne peut être enterrée et disparaître, sous prétexte d’une éthique bien improbable... Mais ce personnage symbolisant le mal, la folie, le démiurge scientifique n’est plus que l’ombre de lui-même, une marionnette.

Ses véritables disciples, oublieux de tout idéal , sont les héros d’autrefois qui l’avaient combattu. Tombés de leur piédestal, ils ne sont plus que des êtres soumis à leurs pulsions, sans plus de recul moral.

 

Tout le monde échoue. Tout le monde a peur. Personne ne se comprend vraiment.

Les Anglais croient avoir affaire à une invasion hostile, mais est-ce bien le cas, lorsque que le passage mystérieux ne cesse de répéter « asile » ?

L’onde Septimus nous renvoie là à une Europe obsédée par ses frontières et « l’envahisseur », « l’émigré », venu apparemment de l’Espace.

Un empire menacé qui ne trouve de solution qu’en détruisant la menace. Nous sommes également dans une Grande-Bretagne hantée par ses crimes, ceux de sa civilisation technoscientiste qui a bouleversé le Monde pour le meilleur et le pire.

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Enfin un album de Blake & Mortimer qui retrouve un véritable et profond sujet, celui de l’essentiel de l’œuvre de Jacobs sans doute, la folie des grandeurs qui vient au détenteur du savoir, la force que donne la maîtrise de technologies sans cesse plus puissantes et les abus qu’elles entrainent fatalement...

La dernière page diffère aussi grandement des autres albums, y compris ceux de Jacobs lui-même. La fin est ouverte, appelant à une suite, ou refermant cette histoire singulière sur une énigme à la solution perdue à tout jamais.

Il n’y a pas de morale, aucune. Il n’y a que la souffrance humaine, celle d’hommes allés au combat et que l’on ne peut soulager de leurs cauchemars. Des hommes plus vraiment humains, des victimes de la Science, de la peur, porteur d’un message que personne ne prend le temps d’écouter.

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Nous ne pouvons que remercier les auteurs de cette Onde Septimus, particulièrement bien sûr Jean Dufaux, ainsi que les éditions Blake & Mortimer pour enfin avoir eu l’audace de paradoxalement faire du Jacobs, c’est-à-dire affirmer une vision du monde, une vision des personnages bien différente de celle de Jacobs certes, opposée et d’un rare pessimisme, mais qui redonne un souffle à la série, une crédibilité retrouvée.

Vivement la suite...

Pour voir les cinq premières planches esquissées
La page de l’éditeur
La page facebook de passionné(e)s de la série

Évidemment, impossible en ce moment de forte actualité Blake & Mortimer de ne pas signaler une très belle ressortie, L’énigme de l’Atlantide, mais la version publiée originellement dans le journal Tintin.

 

L’album est un peu onéreux, mais il procure un plaisir de lecture rare. On retrouve les couleurs d’impression de l’époque, la bannière de haut de page avec le résumé de l’histoire donnant l’ambiance feuilletonnesque, un découpage plus poussé de l’histoire que dans l’album publié par la suite.

http://www.dargaud.com/blake-mortimer/album-6606/enigme-de-latlantide-version-journal-tintin/

L’onde Septimus, Blake & Mortimer T22
Scénariste (s) : Dufaux Jean
Dessinateur (s) : Aubin Antoine, Schréder Etienne
Date de parution : 6 décembre 2013
Nombre de pages : 72
Éditeur : Dargaud

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Commentaires

Personnellement, j’ai trouvé ce nouvel opus d’une rare indigence ! mal ficelé, décousu, peu inspiré, maladroit, inutile. L’histoire part dans tous les sens.. Il y est vaguement question d’un engin spatial alien enfoui dans une grotte (immense, bien sûr) située sous Londres, et qui est responsable de perturbations magnétiques ( ?) causant la duplication d’un ectoplasme ( ?) malfaisant qui électrocute ( ?) tout le monde en se multipliant ( ?)... enfin, il me semble (j’ai rapidement perdu le fil).

Le problème principal est la faiblesse de la construction. Le récit est trop émietté. On assiste à une succession de séquences, sans grand rapport les unes aux autres, et à une accumulation de scènes terriblement "clichés". Cette dispersion finit par diluer l’intérêt d’autant qu’aucune situation n’est vraiment menée à son terme. Toutes les trouvailles restent à l’état d’ébauche (exemple navrant : le vaisseau alien et son unique occupant qui sont traités en 5 ou 6 cases ! et que les héros, avec leurs gros sabots, songent immédiatement à détruire ! )

Les personnages sont aussi inconsistants que convenus, et les décors déjà vu mille fois.

En dehors d’un pompage en règle des codes de la série (le Centaur Club, les bobbies, le premier ministre churchillien, les décombres des quais de la Tamise, le brouillard, les cavernes gigantesques, etc.) il y a quelques réminiscence de recyclages précédents, comme "Le réveil du Z" de la série Spirou (des tristes Tom et Janry qui semblent eux aussi s’être vaguement inspiré de Magritte), ou même du Lotus bleu de Tintin. D’ailleurs on se demande ce que vient foutre là ce passage dans une fumerie d’opium, et pourquoi le personnage de la belle Chinoise n’est pas mieux exploité (enfin, aussi mal exploité que les autres).

Bref un ratage total question scenario (presque autant que le nullissime "Sanctuaire du Gondwana"). Sinon le dessin lui est très bien. Mais qu’est-ce qu’on doit s’emmerder à imiter à la perfection le graphisme figé de la BD belge des année 50, by Jove !

en tous cas, cet album divise ses lecteurs ! c’est déjà une prouesse je trouve, les précédents m’ont toujours paru honnêtes mais assez convenus parfois, surtout sur le fond des histoires. là, j’ai vraiment apprécié justement ce scénario mystérieux qui m’a fait bien plus fantasmer, interroger. les personnages aussi ressemble terriblement à de véritables êtres humains dans leur comportement déviant. un album moi qui m’a enfin redonner du plaisir avec cette série, ces personnages.
au fait, qui êtes-vous, cher lecteur ou chère lectrice ?