Dorothy

Réalisateur: 

L’île des péchés oubliés



Le village perdu

Jane Morton, une psychiatre aguerrie, a bien du mal à surmonter la mort récente de son fils de 4 ans, à la suite d’une noyade accidentelle dont elle se sent indirectement responsable. Ayant un grand besoin de s’éloigner quelques temps de son quotidien qui lui rappelle de bien trop mauvais souvenirs, elle saute sur l’occasion lorsqu’on lui propose de se charger de faire l’évaluation psychiatrique de Dorothy Mills, une ado perturbée qui vit sur une petite île au large de l’Irlande et est accusée de tentative de meurtre sur le bébé dont elle assurait la garde en tant que baby-sitter.

Peu de temps après avoir débarqué sur l’île, Jane est victime d’un accident de voiture qui manque de peu de lui coûter la vie et l’oblige à rester sur place plus longtemps que prévu en attendant que sa voiture soit réparée. Le shérif du coin (le seul personnage qui semble être “normal”) la conduit dans la seule auberge de l’île où elle est contrainte de s’installer pour quelques jours. L’accueil qui lui est réservé est glacial car les insulaires voient d’un très mauvais œil l’intrusion de cette étrangère qui s’incruste et se mêle de ce qui ne la regarde pas.

En fait, l’île est peuplée par une petite communauté protestante intégriste et très bigote, dirigée d’une main de fer par le Pasteur Ross (qui fait également office d’instituteur, de Maire et de médecin) et impose sa foi (et sa propre loi) à toute la population. Au fil des siècles et des générations qui se sont succédées, l’île fonctionne en vase clos. Isolée et coupée de tout (il n’y a ni téléphone, ni télévision et les liaisons avec le continent sont rares car il n’y a pas beaucoup de bateaux qui effectuent la traversée et ce, d’autant plus, que la mer est souvent mauvaise). De plus, elle est régie par des lois qui lui sont propres et décrétées par le Pasteur Ross à qui tout le monde obéit au doigt et à l’œil sans jamais rechigner.

Identity

Dès sa première rencontre avec Dorothy, Jane se rend compte que la jeune fille, qui a récemment fait une tentative de suicide, est fragile et qu’elle semble effrayée par quelque chose.
Elle nie avoir fait du mal au bébé et prétend n’avoir aucun souvenir de ce qu’elle a fait ce soir-là. La jeune fille, âgée de 15 ans, est solitaire et n’a pas d’amis car certaines personnes la considèrent comme étant simple d’esprit. Cela fait une douzaine d’années qu’elle vit chez sa tante (en fait, depuis le décès de sa mère) et elle n’a jamais connu son père. Elle passe son temps libre à peindre et dessiner. Si elle est apparemment d’un tempérament timide et réservé, elle est aussi souvent sujette à de violents accès de colère et à des sautes d’humeur inexpliquées. Au fil de ses divers entretiens avec l’ado, Jane prend conscience que son cas dépasse de loin tout ce à quoi elle a déjà pu être confrontée au cours de sa carrière. Suite à un traumatisme subi dans sa petite enfance, Dorothy est victime du syndrome de personnalités multiples et c’est toute une palette de personnages aux tempéraments très opposés (Kurt, Mary, Duncan, Mimi)
qui prennent tour à tour possession de Dorothy. A chaque fois que Dorothy reprend le dessus, elle n’a plus aucun souvenir de ce qui vient de se passer et de ce qu’elle a fait (par personnes interposées). Les membres de la congrégation religieuse étant persuadés qu’elle est possédée par le Démon iront même jusqu’à lui faire subir un éprouvant mais bien inutile exorcisme.

La voix des morts

Le film prend des allures de thriller psychologique jusqu’à ce que des éléments surnaturels viennent progressivement s’insérer dans l’intrigue et qu’on bascule finalement dans le fantastique avec le twist final quelque peu étonnant bien que pas si imprévisible que cela. Agnès Merlet s’est, en partie, inspirée d’une histoire vraie pour en tirer un scénario original et complexe. Le film mélange les genres et laisse en permanence planer le doute sur le personnage de Dorothy et sur ce qui lui arrive vraiment dans la mesure où le scénario manipule sans cesse le spectateur habilement.

Dorothy sert, en fait, de catalyseur car les personnalités multiples qui l’habitent, à tour de rôle, sont des esprits prêts à tout pour révéler au grand jour un lourd secret, tu par les habitants de l’île depuis trop longtemps, ainsi que la cause inavouable (et jusqu’alors inavouée) de leur mort ce qui aura pour conséquence de faire voler en éclats la sacro-sainte unité de cette petite communauté religieuse intégriste. Alors que Jane tente désespérément d’apporter son aide à Dorothy et de la sauver de ses tortionnaires, elle va être à son tour confrontée à ses propres fantômes.


Agnès Merlet joue astucieusement avec les codes du genre pour mieux les détourner et les exploiter pour en faire du sang neuf. Tout réside ici dans l’univers sombre et l’ambiance oppressante qui règne sur l’île où les membres de cette petite communauté sont prêts à commettre les pires atrocités pour garder leur horrible secret. Elle a intelligemment opté pour une mise en scène naturaliste et minimaliste, utilisant souvent une caméra à l’épaule pour rester au plus près de ses personnages. Le film repose entièrement sur les frêles épaules de Jenn Murray aux troublantes allures de poupée de porcelaine dont c’est ici le premier rôle et dont la prestation est époustouflante et “criante de vérité”.

Dorothy

Réalisation : Agnès Merlet

Avec : Carice Van Houten, Gary Lewis, David Wilmot, Jenn Murray, Charlene Mc Kenna, Dean Stewart, Eamonn Owens

Sortie le 6 août 2008

Durée : 1h 42

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