Deux magnifiques expositions à Paris
L’Ange du bizarre : le romantisme noir, de Goya à Max Ernst
Le musée d’Orsay a l’art d’organiser des expositions passionnantes, sur des thèmes originaux et présentées de manière rigoureuse mais aussi conviviale, ce qui explique leur succès.
Le « romantisme noir » est un thème vaste, qui court du roman gothique anglais (XVIIIème siècle) jusqu’au surréalisme de l’entre-deux-guerres. Né d’un courant littéraire, il submergera tout le XIXème siècle pour devenir un élément essentiel de son imaginaire. Hugo, Delacroix ou Berlioz, cette fameuse « trinité romantique », nul ne peut les comprendre sans lui. Redécouverte du Moyen-âge, attrait pour le fantastique, il présente parfois, comme l’écrit Emmanuelle Amiot-Saulnier dans le Hors-Série consacré à l’expo par la revue « Dossier de l’Art », l’envers des Lumières, et de sa Raison souvent étouffante. La libération de nombreux interdits ira loin, dans tous les domaines. De l’Angleterre de William Blake (étonnant Grand Dragon rouge et La Femme vêtue de soleil de 1805 !), qu’illustrera si bien le musicien Vaughan Williams dans son ballet Job aux ténébreux Allemands (Johann Heinrich Füssli – ah…le célèbre Cauchemar ! - Caspar David Friedrich) en passant par les Français Géricault ou Gustave Moreau, les yeux sont éblouis par tant de richesses démoniaques ou évocatrices de mondes inquiétants. Le thème de la Femme est mis en évidence, femme tentatrice, fascinante, redoutable surtout.
Le symbolisme n’est pas oublié avec Odilon Redon, Spilliaert, Mucha ou Lévy-Dhurmer (superbe Méduse) ni le surréalisme avec Ernst donc, mais aussi Klee, Magritte ou Dali. Beaucoup d’huiles évidemment, mais aussi des dessins et des gravures dont un bon nombre de Goya et d’Hugo, étonnants. Le cinéma n’est pas oublié, avec des extraits célèbres de films tels Dracula, La Fille de Frankenstein, La Chute de la Maison Usher ou Los Oviedados. Pour tous ceux qu’intéresse un courant qui a parcouru, comme « un long et sombre fleuve souterrain » (Côme Fabre, commissaire de l’expo), toute une période capitale de l’art occidental, tant littéraire que pictural ou musical, un événement à ne pas rater !
Jusqu’au 9 juin 2013, au Musée d’Orsay, à Paris. www.musee-orsay.fr
Musique et Cinéma, le mariage du siècle ?
La Cité de la Musique, dans le Parc de la Villette, consacre une grande rétrospective aux relations entre ces deux arts, des origines à nos jours. Répartie en deux salles, elle est passionnante. On y voit beaucoup d’aspects techniques évidemment : quel est le rôle exact de la musique et du musicien ? Interviennent-ils avant ou après le scénario ? Parfois, celui-ci se base sur la musique, écrite avant. Ou même préexistante, comme dans les films-opéras ou les comédies musicales. Comment écrit un compositeur de musique de film ? Intégration de la bande-son, mixage, montage, rien n’est oublié. D’innombrables témoignages visuels illustrent la thématique. Le visiteur peut ainsi, à son aise, s’asseoir devant de petits moniteurs et voir et entendre les commentaires de Nino Rota, de John Williams ou de Michel Legrand. Un grand moment pour les mélomanes : la projection intégrale de L’Assassinat du duc de Guise, film de 1908 avec musique de Camille Saint-Saëns, sans doute la première de l’histoire à être écrite par un compositeur de renom. Un autre petit film relate les relations entre Herbert von Karajan et les media. Une dernière salle, enfin, propose une heure de visualisation d’extraits de films fameux soit par leur musique, soit par certains moments liés à la musique. Ravis et confortablement installés, nous voyons défiler les plus belles images de Brève rencontre, par exemple, Vertigo, Le Dictateur, mais aussi L’Homme qui en savait trop, A bout de souffle, 2001, Orange mécanique, Barry Lyndon, Apocalypse now (on ne se lassera jamais de ces hélicoptères sur fond de Chevauchée des Walkyries), des dessins animés (Fantasia) ou des films japonais ou iraniens moins connus mais tout aussi saisissants. Une occasion unique de se plonger dans la merveilleuse alchimie de deux arts totalement complémentaires.
Jusqu’au 18 août 2013 à la Cité de la Musique, à Paris. www.citedelamusique.fr.