Détention secrète

Réalisateur: 

Pleins pouvoirs



Les disparus

Un attentat suicide se produit à l’étranger faisant plusieurs morts. Parmi les victimes figure un Américain haut placé. L’enquête démarre et quelques heures plus tard, Anwar El-Ibrahimi, un ingénieur chimiste américain d’origine égyptienne rentre aux Etats-Unis après un banal voyage d’affaires en Afrique du Sud. A peine a-t-il posé le pied sur le sol américain qu’il se fait discrètement mais promptement enlevé par la CIA qui le soupçonne d’avoir aidé les terroristes à fabriquer leurs explosifs. Il est alors secrètement exfiltré vers un pays d’Afrique du Nord pour y être interrogé.

Pour sa 1ère mission, Douglas Freeman (le bien nommé !), un jeune et brillant analyste de la CIA est chargé d’assister en tant qu’observateur à l’interrogatoire du suspect, effectué de manière particulièrement musclée par les membres d’une police secrète qui n’hésitent pas à utiliser la torture. Face au caractère aussi inhumain qu’illégal de cet interrogatoire, le doute sur la culpabilité du suspect ne va pas tarder à naître dans l’esprit de Freeman qui commence à se poser bon nombre de questions quant au bien-fondé de sa mission et à la ligne de conduite prônée par son gouvernement. Il se retrouve alors déchiré entre son devoir et sa loyauté, d’un côté, et sa conscience et la moralité, de l’autre. Ayant de plus en plus de mal à supporter l’intolérable, il lui faudra alors faire un choix.

Pendant ce temps-là aux USA, la femme d’Anwar El-Ibrahimi, inquiète de la soudaine disparition de son mari, tente de comprendre ce qui a bien pu lui arriver. Désespérée et ne sachant plus trop quoi faire pour élucider ce mystère et retrouver la trace de son époux, elle n’hésite pas à mener sa propre enquête qui la mènera jusqu’aux plus hautes sphères de l’État.



Mesures d’urgence

Dans le monde de l’après 11 septembre, on ne compte plus les débordements (Guantanamo et Abou Gharib, entre autre chose) et les procédures d’exception (Extraodinary Rendition). Comme la torture est interdite aux USA, quoi de plus simple que d’aller la pratiquer dans un autre pays. La CIA fait envoyer dans le plus grand secret certains suspects dans des “sites noirs”, situés dans des pays comme l’Égypte, l’Afghanistan ou l’Indonésie pour y pratiquer, en toute impunité et à l’abri des regards indiscrets d’horribles exactions (maltraitances, humiliations en tout genre, tortures aussi bien mentales que physiques) qui, en raison de la Constitution, ne peuvent être pratiquées sur le territoire des États-Unis. La soi-disant plus grande démocratie du monde ne se gêne pas pour délocaliser ses centres de torture au nom d’une frénétique chasse aux terroristes entraînant du même coup bon nombre d’innocents dans ses dérives. Ces opérations clandestines pratiquées depuis 1995 mais intensifiées depuis le 11 septembre sont connues sous le nom “d’extraordinary rendition”.

Autres temps mais mêmes mœurs. En effet, avec de telles méthodes on se croirait revenu longtemps en arrière à l’époque de la “chasse aux sorcières”, que ce soit celle de Salem qui conduisirent les gens bien pensant à faire périr par le bûcher des femmes qui n’avaient le même comportement que la norme en vigueur à la fin du XVIIème siècle ou encore celle menée par le Sénateur McCarthy contre des supposés communistes en pleine période de la Guerre Froide.

L’aveu



En raison d’une vague ressemblance et d’un faisceau d’éléments, qui sont en sa défaveur (en l’occurrence sa profession et son pays d’origine, bien qu’il ait la nationalité américaine depuis de nombreuses années) un simple citoyen, qui a le malheur de se trouver au mauvais endroit et au mauvais moment, va brusquement basculer dans l’enfer et faire les frais de la paranoïa américaine et de sa toute-puissance.

Dans le cadre de Détention Secrète, il s’agit d’un ingénieur chimiste américain d’ascendance égyptienne en voyage d’affaires qui s’apprête à rentrer chez lui, monte dans un avion au Cap mais qui, dès son arrivée sur le sol américain, est considéré comme un dangereux terroriste. Arrêté, menotté et cagoulé, il est immédiatement emmené vers une destination inconnue pour y subir un interrogatoire des plus musclés sans même avoir été inculpé de quoique ce soit et encore moins pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat. Pendant ce temps-là, les services secrets mettent tout en œuvre pour discrètement effacer toutes ses traces, à commencer par son nom sur la liste des passagers de l’avion qui l’a pourtant, bel et bien, ramené sur le sol américain. Ni vu, ni connu, on peut alors commencer à torturer un homme innocent pour lui faire avouer quelque chose dont il ignore tout ou un forfait qu’il n’a pas commis. Pour le monde extérieur, il a juste disparu sans laisser de traces. Personne ne semble savoir où il est passé et les rares personnes qui le savent effectivement ne diront rien puisqu’elles sont tenues au “secret d’État”.

La fin justifie-t-elle les moyens ? Le problème est abordé ici sous l’angle du destin croisé de trois hommes touchés de plein fouet par l’application de cette mesure extrême mais chacun à sa manière : un homme victime d’une “erreur judiciaire”, un autre chargé d’assister aux interrogatoires et le chef des services secrets du pays d’accueil qui n’a aucun état d’âme en ce qui concerne la meilleure manière d’obtenir des aveux.

Raison d’État

A sa façon, Détention Secrète est un récit édifiant qui nous plonge dans les eaux troubles et nauséabondes d’une justice aveugle qui n’en a plus que le nom. Ce thriller politique engagé met le doigt là où ça fait mal et dévoile les arcanes du Pouvoir tout en dénonçant les excès et les dérives d’un système qui est devenu tout aussi dangereux que celui qu’il est censé combattre. En outre, on peut également s’interroger sur l’exactitude de renseignements obtenus sous la torture.

En raison d’une paranoïa aiguë qui finit par leur faire voir le Mal partout et sous couvert de “l’extraordinary rendition”, les agences gouvernementales n’hésitent pas à procéder à des enlèvements de personnes suspectées d’être une menace pour la Sécurité Nationale et de les détenir dans des prisons secrètes à l’étranger pour y subir des interrogatoires. Ils foncent dans le tas sans prendre le temps de réfléchir et encore moins de se poser des questions sur le bien-fondé de leurs manières peu honorables de procéder, ni aux “dommages collatéraux” que cela peut engendrer. En passant outre le fait de procéder à une enquête préliminaire sur les soi-disant suspects avant de les arrêter, cet abus de pouvoir caractérisé, qui bafoue les droits les plus fondamentaux des citoyens sans le moindre état d’âme, va exactement à l’encontre de l’idéal américain.

L’intrigue à tiroirs regroupe plusieurs histoires. C’est ainsi que l’une d’entre elles concerne l’attentat avec ses préparatifs, ses implications et ses répercussions, tant professionnelles que personnelles, sur la vie de plusieurs personnages tandis qu’une autre nous montre le combat mené par Isabella El-Ibrahimi pour tenter de retrouver la trace de son mari disparu comme par magie. Au travers du destin entrecroisé d’une poignée de personnages, le scénario expose le problème sous ses deux facettes, en évitant tout discours moralisateur, ce qui laisse ainsi au spectateur l’entière liberté d’en penser ce qu’il veut et de se ranger à sa guise dans l’un ou l’autre camp. Malgré les failles du scénario et les défauts du film, il a, au moins, le mérite de ne pas se contenter de juste divertir avec son casting prestigieux mais aussi de faire réfléchir le spectateur sur des sujets graves.

Détention Secrète

Réalisation : Gavin Hood

Avec : Jake Gyllenhaal, Reese Whitherspoon, Meryl Streep, Alan Arkin, Peter Sarsgaard, Omar Metwally, Igal Naor.

Sortie le 9 janvier 2008

Durée : 2 h 02

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