The Dark Knight, le chevalier noir

Réalisateur: 

Behind the mask



L’attaque des clowns

The Dark Knight démarre avec un spectaculaire braquage de banque, mené de main de Maître par le Joker et son gang dont chacun des membres dissimule son visage derrière un masque de clown aux expressions diverses et variées. Rien ne semble pouvoir arrêter le clown et ses clones qui multiplient les attaques à main armée un peu partout à Gotham City, histoire de mettre les rues de la ville à feu et à sang tout en faisant la razzia sur un important pactole.


Le Joker fascine à tel point ses concitoyens qu’il fait un grand nombre d’émules qui se promènent en ville, le visage recouvert d’un masque identique au sien. Cela va de fans inconditionnels du Joker qui le vénèrent comme une véritable idole, à de simples petits plaisantins qui trouvent cela drôle, à des paumés en quête de gloire médiatique ou encore à de petits malfrats qui profitent de l’occasion pour commettre incognito de menus larcins. Voilà de quoi non seulement dérouter la police et les conduire sur de fausses pistes en leur faisant perdre leur temps mais aussi énerver le Joker.

Une histoire sans fin

Depuis Batman Begins, Bruce Wayne a passé un(e) cap(e), il ne passe désormais plus tout son temps à ressasser en boucle l’assassinat de ses parents dont il s’impute toujours à tort la responsabilité mais il s’interroge maintenant sur le bien-fondé de ses interventions nocturnes en tant que justicier masqué. S’il est vrai que sa traque est efficace et qu’il arrive à mettre bon nombre de malfrats hors d’état de nuire, cela n’arrête malheureusement pas pour autant le Mal, en tant que tel, de progresser. Au début, il pensait qu’il n’endosserait la panoplie de Batman que seulement pendant un certain temps, celui de faire mettre les criminels sous les verrous mais, au fil du temps, il prend conscience que cela risque de ne jamais finir dans la mesure où chaque action de Batman entraîne en retour des réactions de la part des criminels à qui il s’attaque. Batman a commencé à purger Gotham City de certains de ses criminels mais comme la nature a horreur du vide, cela n’a fait qu’attirer de nouveaux malfaiteurs encore plus puissants que les précédents et qui sont bien décidés, cette fois-ci, à prendre le contrôle de la ville. C’est un cercle vicieux infernal qui entraîne une escalade et une surenchère de la part du crime organisé. Du coup, le Batman dilettante initial a lui aussi dû évoluer et est devenu un impitoyable justicier redresseur de torts qui n’hésite d’ailleurs pas à quitter Gotham City pour aller à l’autre bout du monde afin de récupérer un criminel qui avait préféré prendre la poudre d’escampette. Pour contourner le fait que ce dernier se soit réfugié dans un pays qui n’applique pas l’extradition, Batman va le chercher par ses propres moyens pour le ramener à Gotham afin qu’il soit jugé pour les exactions qu’il y a commises.

Le fil du rasoir

Bruce Wayne est un homme sombre et torturé, guidé autant par sa soif de vengeance que par son désir de justice.
Il est obligé de renoncer à une bonne part de lui-même pour mener à bien ce qu’il considère comme un juste combat. L’image qu’il renvoie aux autres, celle d’un playboy milliardaire à l’allure insouciante toujours entouré de créatures de rêve et ne se déplaçant qu’au volant de voitures de luxe, est une pure fabrication. C’est cette image de Bruce Wayne qui est en fait le “masque” de Batman et lui permet de jouer les justiciers de la nuit en toute impunité mais c’est aussi la façon qu’il a trouvé pour lutter contre ses propres démons intérieurs. Au fil des ans, il a accumulé en lui une telle colère et une douleur incommensurable qu’il sait pertinemment qu’il risque, un jour ou l’autre, de dépasser les bornes. Il commence à mesurer toute l’étendue des retombées psychologiques de sa double vie et il s’interroge sur ses choix. Il doit en permanence se contrôler et veiller à ne pas devenir lui-même un monstre comme ceux qu’il pourchasse. Batman est désormais bien connu de la police et des habitants de Gotham City mais les avis à son encontre restent toujours aussi partagés : certains le considèrent comme un héros tandis que d’autres comme un fauteur de troubles et l’arrivée en ville d’une nouvelle vague de criminels ne va faire que relancer encore un peu plus la polémique et attiser les passions à son égard.

L’alliance

Avec l’aide du lieutenant de police James Gordon et du District Attorney Harvey Dent, Batman entreprend de démanteler les organisations criminelles qui infestent les rues de Gotham. L’association entre les trois hommes s’avère efficace depuis qu’ils ont décidé d’unir leurs forces (Batman capture les criminels puis les livre à la police qui procède à leur arrestation avant que la justice ne les sanctionne) mais le trio se heurte bientôt à un nouveau génie du crime qui sème la terreur et le chaos à Gotham City : le Joker.

Le D.A. Harvey Dent incarne la loi et l’ordre à Gotham City. Sa carrière est prometteuse et il n’hésite pas à se présenter aux élections avec pour credo sa croisade anti-criminalité qui a pour but d’éradiquer de la ville le crime organisé et plus particulièrement de faire tomber Salvatore Maroni, le chef d’un clan mafieux. Les habitants de Gotham voient en cet homme honnête et intègre, d’origine modeste (contrairement à Bruce Wayne), leur Sauveur. Il fait office de “Chevalier Blanc” et semble être la solution aux problèmes de Gotham. Il s’attèle à cette tâche avec enthousiasme et optimisme, en mettant tout en œuvre afin de faire rétablir l’ordre dans les rues de la ville mais toujours en restant dans la légalité contrairement aux méthodes particulièrement musclées employées par le Justicier masqué qui sont souvent très limites.
Dent finit par s’allier à Batman pour traquer le crime organisé et tenter de purger Gotham City de sa mauvaise engeance. Il aimerait bien parfois pouvoir recourir aux méthodes employées par Batman mais il est obligé, de par sa fonction, de respecter scrupuleusement la loi. Il admire les intentions de Batman mais ne peut évidemment pas soutenir publiquement ses méthodes.

Par ailleurs, Bruce Wayne apprécie les louables efforts de Dent et pense que ce dernier est le véritable héros dont Gotham avait besoin. Si Dent réussit ce qu’il a entrepris, Bruce Wayne pourra alors raccrocher définitivement sa panoplie de Batman et reprendre enfin une vie normale, ce qui signifie pouvoir vivre avec son amour de jeunesse, Rachel Dawes, qui est devenue l’assistante de Dent et avec qui elle n’a pas que des relations professionnelles.

De son côté, Rachel a fait un choix déchirant, en décidant qu’elle ne pouvait pas vivre avec Bruce aussi longtemps qu’il serait Batman. Entre-temps, Dent est entré dans sa vie et elle est tombée sous son charme bien qu’il soit en permanence obsédé par le hasard et ait une bien étrange manie : celle de prendre ses décisions en les jouant à pile ou face après avoir lancé en l’air sa pièce de monnaie fétiche. Elle l’admire parce qu’il respecte la loi car, contrairement à Batman, il croit au système et entend s’en servir pour venir à bout de la corruption mais, en même temps, Rachel continue d’aimer sincèrement Bruce et elle sait que c’est réciproque, d’où un dilemme insoluble.

Quant à l’Inspecteur James Gordon, il est soumis à des pressions considérables du fait de la montée en puissance de la criminalité urbaine. Il n’arrive pas à complètement faire confiance à Dent parce qu’il n’a jamais connu un seul politicien intègre à Gotham. Son instinct de policier lui dit de plutôt miser sur Batman en espérant que ce dernier arrivera à améliorer la situation, même si cela doit prendre un certain temps.

Vengeance aux deux visages

Les relations du trio Batman/Dent/Gordon vont être bouleversées par un enchaînement de tragiques évènements qui vont mettre un terme à la croisade menée par l’intègre D.A.et le transformer en sinistre Double-Face. Le Joker s’en est pris à Rachel Dawes et en tentant de porter secours à sa bien-aimée, Dent est la malheureuse victime d’un tragique accident. Il échappe de justesse à la mort mais est horriblement défiguré. Lorsqu’il reprend conscience sur son lit d’hôpital, toute son ancienne vie s’écroule en quelques secondes. Il se referme alors sur lui-même avant de développer une double personnalité qui le fait basculer du “côté obscur”. L’espoir qu’il incarnait jusqu’alors pour l’avenir de Gotham s’évanouit définitivement avec sa métamorphose en Double-Face. Assoiffé de vengeance, il n’a désormais plus qu’un but : tuer tous les méchants ou plutôt ceux qu’il perçoit comme tels.

American psycho

Depuis que DC Comics a créé le personnage de Batman, le Joker représente LE méchant suprême. Exit ici la version dandy burlesque et foldinque que nous avait livrée avec brio (mais cabotinage) Jack Nicholson sous la direction de Tim Burton. A contrario, Christopher Nolan préfère opter pour un Joker symbolisant la forme la plus extrême d’anarchie, de désordre et de chaos qui puisse régner sur Gotham City, d’où le côté trash et destroy de sa vision du personnage.
Ce psychopathe extravagant et complètement déconnecté du réel n’a, en fait, pas d’autre but que celui de détruire pour le simple plaisir de le faire ce qui le rend par là même totalement insaisissable et absolument terrifiant en raison de sa vision perverse et tordue de la vie. Il ne se plie à aucune règle. C’est un être cynique, sans aucun état d’âme, qui invente des plans machiavéliques à l’humour d’un goût des plus douteux : il va jusqu’à enfourner une grenade dans la bouche du Directeur de la banque qu’il vient de cambrioler avant de la faire exploser à distance et n’hésite pas à éliminer de sang froid, un par un ses complices, en leur ordonnant de se tuer les uns las autres dès qu’ils ont fini le travail spécifique pour lequel chacun d’entre eux a été engagé. Aucune vie humaine n’a de la valeur pour lui (il n’hésite pas à utiliser un lance-roquettes dans les rues de la ville ou encore à faire exploser le Gotham General Hospital) et il est même prêt à sacrifier la sienne pour arriver à ses fins. Le Joker a un côté sado-maso puisqu’il aime autant faire souffrir les autres qu’il prend du plaisir à ressentir lui aussi la douleur.

C’est son amoralité absolue qui est son arme ultime face à Batman qui, lui, obéit à un code moral rigide. Le Joker pousse Batman dans ses retranchements dans le but de le faire franchir les limites qu’il s’est jusque-là imposées à lui-même, afin de prouver que les deux hommes ne sont après tout pas si différents l’un de l’autre. Il veut briser les dernières résistances de Batman pour démontrer que tout homme, même le meilleur, peut un jour ou l’autre basculer du “côté obscur”. Le Joker se réjouit cependant de ne pas y arriver car cela rend la partie encore plus excitante et il apprécie d’avoir enfin un adversaire à sa hauteur mais il devient, de plus en plus, borderline au fur et à mesure que Batman lui résiste (la preuve étant son maquillage qui dégouline de partout) et ce jusqu’à atteindre le point de non retour

Scarface

Le maquillage du Joker se démarque ici de celui de ses précédentes incarnations sur petit et grand écrans. Son maquillage criard de clown ne fait que renforcer son regard halluciné, sa froideur homicide et son “sourire” carnassier. Sa bouche est asymétrique en raison de l’horrible cicatrice qui transforme ce qui pourrait apparaître comme un sourire narquois en rictus diabolique. Le Joker conserve sa pâleur de clown ainsi que son rictus habituel mais arbore maintenant un look beaucoup plus trash. Ses yeux sont cernés de noir, ses lèvres et une partie de ses joues sont peintes en rouge sang mais sans toutefois parvenir à cacher les horribles cicatrices qui zèbrent son visage, histoire de montrer à quel point cet homme a profondément été blessé dans tous les sens du terme (tant physiquement que psychologiquement). Le visage du Joker étant censé refléter les plus vils instincts de la nature humaine, son maquillage a été conçu de manière à dégager un aspect dérangeant à la limite du malsain et il se détériore progressivement au fur et à mesure que le Joker s’enfonce toujours un peu plus dans la folie furieuse. Ce maquillage se compose de trois parties en silicone. Les prothèses ont été faites sur mesure et adaptées aux traits ainsi qu’aux expressions du visage de Heath Ledger. Quant au visage à demi-défiguré de Double-Face, il a été réalisé en post-production en combinant des plans d’Aaron Eckhart au naturel avec d’autres dans lesquels la moitié de son visage avait été maquillée. Le résultat final est absolument hallucinant et très impressionnant.

Protection rapprochée

Tout comme dans Batman Begins, Bruce Wayne peut compter en toutes circonstances sur deux alliés de poids : Alfred Pennyworth, son fidèle maître d’hôtel qui est un peu comme son 2ème père, et Lucius Fox, le nouveau PDG de Wayne Industries qui est aussi l’ingénieux concepteur de tout l’arsenal hi-tech dont dispose Batman. Outre la Batmobile qui ressemble désormais plus à un char d’assaut qu’à une simple voiture, Batman se sert également de la très surprenante Batpod, au look massif et lourdement armée.
Très rapide et manœuvrable, la Batpod est tout-terrain et équipée des mêmes énormes pneus de camion que la Batmobile. Elle possède de chaque côté, un canon de 40 mm, des mitraillettes de 50 ainsi que des lanceurs de grappins. Pour éviter les balles, la Batpod est amovible verticalement car elle est montée sur un système de vérins ce qui la rend capable de réaliser d’incroyables acrobaties.

Par ailleurs, Batman dispose d’un nouveau Batsuit nettement plus souple et beaucoup plus confortable. Ce costume est un assemblage de 110 pièces en polyuréthane flexible sur un maillage de polyester respirant. Chacune d’elles a été conçue, moulée et fabriquée individuellement. Elles sont reliées, articulées et bougent en fonction, l’une de l’autre. En outre, des pièces en fibre de carbone léger mais ultra résistant renforcent la combinaison au niveau de la poitrine, de l’abdomen ainsi que des jambes. Le Batsuit fournit également à Batman de nombreux gadgets offensifs haut de gamme, notamment de longues lames rétractiles très acérées qui sont dissimulées dans ses gants et des lentilles spéciales, protégées par une visière blanche, qui lui procurent une “vision sonar” en 3D. Sa cape se replie sur commande à l’intérieur d’une poche dorsale et peut se redéployer en l’espace d’un instant. Quant au Batbunker, il remplace la Batcave depuis la destruction de manoir des Wayne.

A double tranchant

Dualité des personnages et faux semblants, les thèmes de prédilection de Christopher Nolan, sont, une fois encore, ici au rendez-vous. Le scénario se focalise sur la psychologie complexe et ambiguë des principaux protagonistes de l’histoire (Bruce Wayne/Batman, Harvey Dent/Double-Face, le Joker) tout en soulevant moult questions d’ordre philosophique (du genre : doit-on contourner la loi pour mieux l’appliquer ?) ce qui donne ainsi l’occasion de débattre sur les nuances qui séparent la justice des hommes, de celle de la rue. D’autres personnages sont également en proie au doute par rapport aux décisions qu’ils s’apprêtent à prendre (le Lieutenant Gordon, Rachel Dawes, Alfred Pennyworth, Lucius Fox). En cela, The Dark Knight ressemble plus à une lente descente aux tréfonds de l’âme humaine quand il ne s’agit pas carrément de folie furieuse, du moins en ce qui concerne le Joker et Double-Face. Au final, on a l’impression de voir deux films pour le prix d’un dans la mesure où le montage scinde clairement le long-métrage en deux parties distinctes qui se complètent : la montée en puissance du Joker puis le drame qui bouleverse la vie d’Harvey Dent et le transforme en Double-Face, annonçant ainsi une direction des plus plausibles quant à l’écriture du scénario d’un éventuel 3ème volet (rappelons que certains acteurs dont Christian Bale ont dès le départ signé un contrat pour 3 films).

Pour illustrer son propos, Nolan a opté pour la noirceur absolue et l’hyperréalisme dans le traitement de ses personnages (plus particulièrement dans celui des psychopathes de service), s’éloignant ainsi radicalement du style choisi par ses prédécesseurs (Tim Burton, Joel Schumacher). Afin d’immerger le spectateur dans l’univers du Dark Knight, six séquences ont tout spécialement été tournées en IMAX ce qui les rend encore bien plus impressionnantes en raison de l’extrême qualité de l’image et de la profondeur de champ. Entre les cascades (comme l’incroyable tonneau à la verticale effectué par un camion remorque de plus de 10 m de long ou l’exfiltration d’un criminel fait par Batman dans le ciel de Hong Kong) et les courses-poursuites infernales (dont celles où on assiste aux incroyables prouesses de la Badpod) réalisées en live puis agrémentées de nombreux effets spéciaux numériques, on assiste à un spectacle pyrotechnique éblouissant (fusillades dans les rues de Gotham, explosion d’un immeuble entier avec son effondrement graduel évoquant le déferlement d’une vague géante). Le film comporte environ 700 plans à effets spéciaux qui ont été principalement confiés à Double Negative et Framestore CFC, les plus ahurissants étant de loin ceux qui nous montrent le visage défiguré de Double-Face. Malgré tout cela, il est évident que The Dark Knight n’aurait jamais pu être une telle réussite sans l’excellence de son brillant casting ainsi que l’implication totale de ses acteurs dans leurs personnages respectifs et, plus particulièrement, grâce à l’interprétation hallucinée et hallucinante du très regretté Heath Ledger dans le rôle du Joker. RIP.

The Dark Knight – Le Chevalier Noir

Réalisation : Christopher Nolan

Avec : Chrsitian Bale, Heath Ledger, Michael Caine, Gary Oldman, Maggie Gyllenhaal, Morgan Freman, Aaron Eckhart, Eric Roberts

Sortie le 13 août 2008

Durée : 2 h 27

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