Moi, Lucifer
Il s’agit d’un récit « autobiographique » qui serait signé par Lucifer pendant un séjour sur Terre dans le corps d’un écrivain suicidé suite à un pari avec Dieu. Et notre Diable essaye, en même temps, d’expliquer le pourquoi de sa révolte et de se poser en défenseur de la liberté de l’homme face au tyran D. qui ne veut que des pantins occupés à le louer, profiter des plaisirs de la chair, comme s’il les découvrait et n’en avait jamais bénéficié lors de ses possessions antérieures (là, il est, pour le moins, bridé par les nombreuses incapacités et défauts physiques de son hôte, ainsi que par les désirs qui viennent de la mémoire de celui-ci). Il a même mis en route l’écriture d’un scénario de film sur sa Chute et a trouvé un producteur intéressé. Mais ses ex-confrères, les anges non déchus, viennent régulièrement l’embêter, essayer de le convaincre de rentrer dans le rang et le chœur des chanteurs sans idées ni volonté qui réjouit tellement Papy D.
Si on prend ce livre pour ce qu’il est, une énorme bouffonnerie, on profite des traits d’humour et satires dont il est truffé. Mais n’essayez pas de le prendre pour une piste de réflexion sur ce que pourrait être la base de la religion. Par moments, « Lucifer » (personnage en fait inventé par l’église chrétienne, tout à fait distinct du Satan, rival ajouté à la religion juive après le retour de Babylone et de Perse des anciens exilés et inspiré par le Ormuzd perse, pendant noir du dieu Ahura Mazda) présente une version amusante de la religion chrétienne, du mythe de la Création, de la Chute des anges rebelles et de la menace de l’Apocalypse. Mais comme il reprend des sources confuses et y ajoute des incohérences de son cru (est-ce pour justifier son titre de Prince des Menteurs ?), le lecteur qui voudrait y trouver des réponses aux doutes qu’il a sur les différents mythes « bibliques » n’y trouvera pas de grain à moudre.
De l’amusement, sans aucun doute. Après tout, n’est-ce pas le principal ?
Moi, Lucifer, par Glen Duncan, traduit par Michèlle Charrier, Folio SF n°468, 2014, 350 p., couverture de Bastien Lecouffe-Deharme, F8, ISBN 978-2-0710890-1