Mémoires de Zeus (Les)
Ces « Mémoires de Zeus » sont l’œuvre d’un auteur que l’on imagine mal, a priori, trouver sa place dans les pages de « Phénix Web ». Maurice Druon, en effet, prix Goncourt en 1948, auteur de la célèbre saga historique « Les Rois Maudits », adaptée à la télévision, ancien Ministre des Affaires Culturelles, membre de l’Académie française, n’a pas le profil type de l’écrivain de science-fiction classique. Ses prises de position conservatrices en matière culturelle sont de surcroît de nature à échauder l’amateur de mondes imaginaires.
Pourtant, force est de constater que cet ouvrage ne lésine pas sur l’inventivité. Il s’agit certes d’un récit qui s’inscrit dans un corpus mythologique préexistant qu’il ne cherche pas fondamentalement à bouleverser. Les quelques libertés qui sont prises ici résultent plus du flou qui entoure certains mythes que d’une réelle volonté de tout chambouler. Pourtant le souffle créatif n’est pas absent de cette œuvre, loin de là. Il s’intègre simplement à l’univers déjà largement échafaudé qu’il choisit de décrire.
Mais de quoi s’agit-il donc ?
Tout simplement d’une sorte de carnet de route tenu par le souverain de l’Olympe, qui nous permet de revisiter en l’espace d’un peu plus de quatre cent pages l’intégralité des personnages et des thèmes essentiels de la mythologie grecque. Un inventaire complet de l’ensemble des divinités, lieux, héros, demi-dieux ou créatures terrifiantes passés en revue serait trop long. Citons en vrac : Dionysos, Artémis, les Titans, Chronos, Pandore, Europe, Gaïa, Dédale, Prudence, Hadès, Delphes, Héraclès, Minos, Tantale, Athéna, Ouranos, Héphaïstos, Alexandre… et bien d’autres ! Tous sont resitués et dépeints comme des personnages vivants, interagissant avec cette Grèce antique qu’on dit être le berceau de notre civilisation. L’ensemble se lit comme un roman « d’heroic-fantasy » et non comme un recueil de mythes épars.
C’est peut-être là l’intérêt principal de ce livre : il parvient à lier ces légendes souvent disparates en un tout cohérent progressant de façon chronologique en parallèle au processus de « vieillissement » de l’auteur de ces mémoires, l’incontournable Zeus. Druon a réussi là un tour de force qui mérite d’être salué (le livre a été écrit en 1967), car il est parfois ardu de replacer historiquement les aventures des uns et des autres au sein de cette vaste saga mythologique. Le fait d’avoir tiré cette ligne temporelle permet d’effectuer plus aisément la mise en résonance de tel ou tel événement avec tel autre. On comprend mieux qu’Ouranos vient avant Chronos et Zeus, qui n’engendre à son tour le reste des divinités qu’au fur et à mesure de son règne, dans une progression qui se révèle sinon logique, du moins cohérente avec ses aspirations.
Il est donc bien agréable de joindre l’utile à l’agréable en parcourant les pages de ce très bon roman. Sa lecture, qui n’a rien de rébarbative, permet de réviser sans se forcer ses connaissances en matière de mythologie grecque, tout en ayant le sentiment de plonger au sein d’une saga médiévo-fantastique traditionnelle.
Alors saisissez votre coupe d’ambroisie et trinquons ensemble à la santé de Zeus et de ses compagnons olympiens !
Druon Maurice, Les Mémoires de Zeus, Illustration : Stéphane Collignon, 432 p., Bragelonne