N.S.O. Le nouveau space opéra

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Le space opera a toujours été mon genre de prédilection en science-fiction. J’ai commencé avec Jack Williamson et E.E. doc Smith, puis j’ai continué avec Edmond Hamilton, Isaac Asimov, Poul Anderson en passant Peter F. Hamilton, Alastair Reynolds, Iain Banks, et surtout David Weber. Donc cette anthologie je l’attendais au tournant, en espérant qu’elle correspondrait à mes aspirations.

Cette anthologie est écrite par des valeurs sûres de la science-fiction comme Robert Reed, Greg Egan, Peter F. Hamilton, Alastair Reynolds, Stephen Baxter, Robert Silverberg, Gregory Benford, Walter Jon Williams, Nancy Kress et Dan Simmons. Des auteurs qui attirent le lecteur par la qualité de leurs textes. Mais ici, nous sommes dans un format court qui varie de 10 à 50 pages et malgré tous leurs talents, tous ne sont pas nécessairement à l’aise avec le format imposé. Il y a des nouvelles qui mériteraient d’être développées sous la forme de roman, et d’autres qui paraissent un peu trop longues. Et puis il y a celle de vieux briscards qui arrivent encore à nous étonner agréablement.

Mais pourquoi cette anthologie s’appelle t-elle NSO (Nouveau space opera) ? Le space opéra a toujours existé. Au fil du temps il est devenu plus complexe, plus technologique, avec des personnages souvent à la psychologie compliquée. Ce n’est plus seulement de l’aventure, de la découverte et de l’action. C’est aussi des histoires qui mettent en valeur des problèmes de société, des prises de conscience, des extrapolations à partir de découvertes scientifiques, des conflits politiques et militaires, etc. Et c’est surtout des histoires de voyages dans l’espace. L’espace est l’acteur omniprésent. Si celui-ci ne s’y trouve pas, le terme space opera est alors galvaudé.

Il y a plus de différences entre un livre de fantasy de Robert E. Howard et un de David Gemmell qu’entre un space opera de E.E. doc Smith et un autre de David Weber. Et pourtant on ne dit pas Nouvelle fantasy ! Donc l’acronyme NSO ne se justifie pas vraiment. J’invite plutôt le lecteur à aller lire « Du space opera au nouveau space opera », un article écrit par Jean-Claude Dunyach, ou à lire l’article de Patrick S. Vast sur le site de Phénix.

Mais revenons à notre anthologie. Si l’idée de base de Dozois & Strahan est excellente, la concrétisation de celle-ci ne correspond pas tout à fait aux attentes du lecteur que je suis (oui, je sais, je suis très exigent en matière de space opera). On trouve des nouvelles qui correspondent bien au genre, mais aussi des nouvelles qui n’ont rien à voir avec celui-ci. Il s’agit de textes qui englobent toute la science-fiction, et pas seulement le space opera. Rien que pour cette confusion, l’anthologie devrait davantage s’appeler NSF pour Nouvelle Science-Fiction. Bon, ce n’est pas vraiment dramatique. Mais quand on dit space opera, on pense à des histoires dans lesquelles l’espace et le voyage dans l’espace ont une place prédominante. Plusieurs des textes présents nous montrent un héros qui arrive sur une planète, et puis qui oublie complètement l’espace. C’est un peu comme si on lisait des récits de marine au début desquels le héros débarque à terre sans revenir au vaisseau qui l’a amené jusque là. Ça ne colle pas, et ça se sent à travers certaines nouvelles où les auteurs n’ont fait aucun effort.

J’ai lu cette anthologie dans un ordre personnel. En commençant par les auteurs que je connaissais, puis ceux que j’avais envie de découvrir, et enfin ceux que je n’avais jamais lus auparavant. Sans entrer dans le détail de chaque nouvelle, j’en retiens les choses suivantes :

- Les réfugiés de Gwyneth Jones, première nouvelle du livre qui parvient même à ne pas parler d’espace. C’est le type même de la nouvelle qui n’a rien à voir avec le genre.

- L’anneau de Verthandi de Iain McDonald est un vrai space opera démesuré, qui mériterait d’être approfondi à travers un roman.

- Eclosion de Robert Reed nous ramène sur la coque du grand vaisseau (deux tomes parus chez Bragelonne).

- Gloire de Greg Egan est assez original. Des scientifiques qui explorent la galaxie, prennent l’apparence des êtres qu’ils vont rencontrer dans d’autres civilisation. Ce n’est pas l’auteur que je préfère, et pourtant cela se laisse lire. Seul le prétexte de mathématiques plus avancées ne semble pas convainquant.

- Béni par un ange de Peter F. Hamilton nous raconte une rencontre avec un ange technologique. L’histoire se passe dans le même univers que celui de l’étoile de Pandore, donc dans le Commonwealth. J’adore Peter F. Hamilton, mais je le préfère dans des longs textes.

- Les fleurs de Minla de Alastair Reynolds. Attention, excellente nouvelle ! Pour moi c’est la meilleure de cette anthologie. Merlin, un explorateur doit faire une halte forcée sur un monde qui va connaitre une grande catastrophe. Pour aider cette civilisation, il va lui révéler l’utilisation de l’atome. Mais après une période de stase dans son vaisseau, il va découvrir que cette civilisation est prête à s’entretuer plutôt que de gagner les étoiles. L’histoire se passe sur une vie entière, celle de Minla. La cinquantaine de pages a été dévorée d’une traite et cette histoire mériterait d’avoir une suite.

- La reine des neiges de Mary Rosenblum nous entraine sur un des satellites de notre système solaire. Un intermède entre deux grands auteurs.

- Souvenance de Stephen Baxter est lié au cycle Xeelee de l’auteur et nous explique comment la Terre a été envahie par des extraterrestres puis s’est libérée de leur joug.

- L’empereur et la Maula de Robert Silverberg est tout simplement les contes des mille et une nuits transposés dans l’espace. Dès les premières pages, on devine le reste de l’histoire, mais ce vieux briscard de Robert Silverberg sait raconter des courtes histoires, format dans lequel il excelle. Et on se laisse piéger jusqu’à la fin de la nouvelle.

- Un revers de fortune de Gregory Benford, vrai space opera technologique, dans lequel les protagonistes ont découvert un trou de vers qu’ils doivent maitriser. Mais un trou de vers peut se mordre la queue !

- L’art de la guerre de Nancy Kress. Mission de récupération d’artefacts humains. Un peu trop militaire et pas assez captivant. Nancy Kress nous a habitués à beaucoup mieux que ça.

- La muse de feu de Dan Simmons nous fait suivre une troupe de théâtre qui joue du Shakespeare et qui navigue à bord d’un vaisseau qui s’appelle la muse. Cette nouvelle est plus un prétexte pour nous parler de l’œuvre de Shakespeare qu’une vraie nouvelle de science-fiction. Même remarque que pour Nancy Kress. Dan Simmons peut mieux faire.

Voilà une anthologie de science-fiction qui nous présente des textes récents et un panel de bons auteurs. Dans l’ensemble, elle est bien structurée et se laisse lire. Je retiendrai principalement la nouvelle d’Alastair Reynolds qui vaut vraiment le détour.Je formulerai simplement deux reproches à l’égard de cette anthologie. Le premier, c’est que le titre NSO n’est pas vraiment approprié à cause du choix des textes qui ne collent pas toujours avec le space opera. Et le second reproche qui me semble plus dérangeant, c’est que des auteurs comme Iain Banks ou David Weber sont absents de l’anthologie. Oublier David Weber, c’est comme oublier E.E. doc Smith à l’âge d’or de la science-fiction dans une anthologie dédiée au space opera. Dozois & Strahan n’ont pas été assez restrictifs dans leur choix et ont oublié des incontournables du space opera. En dehors de ces deux reproches, qui disparaissent si on ne se focalise pas sur le titre NSO, c’est un excellent panorama de la science-fiction actuelle. En tout cas, c’est une excellente initiative de la part de Bragelonne, même si éditer une anthologie de nouvelles est plus risqué. Je conseille cette anthologie à tous ceux qui veulent lire ou découvrir quelques grand noms de la science-fiction actuelle. Le dépaysement est assuré.

Je me demande maintenant si le même genre d’initiative pourrait se reproduire avec des auteurs francophones !

NSO Le nouveau space opera, Gardner Dozois & Jonathan Straman, Bragelonne, 2009, 667 pages

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