Rose du Jourdain, Les sources de Sheeba T1

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André Gide déclarait : « Ce n’est pas avec de bons sentiments qu’on fait de la bonne littérature ». Pour n’être pas une loi mathématique absolue, cette loi se vérifie statistiquement avec un intervalle de confiance de 99 %. Et le volume que je viens de lire en est hélas un témoin de plus.

D’un côté, s’attaquer à écrire une utopie libertaire, à imaginer un avenir débarrassé des calamités du présent, est une tache difficile. De plus, ce roman prétend raconter à posteriori des étapes de la construction de cette utopie. C’est difficile de bien le faire. Par-dessus le marché ce premier volume ignore l’étape de chaos qui a vu la disparition du capitalisme, des religions, des haines… Il débute dans un Moyen-Orient réconcilié, un pur rêve de kibboutznik (car l’organisation coopérative et fédérative décrite répond vraiment à cet idéal des pionniers sionistes quand le mot recouvrait une théorie socialiste utopiste). Mais le mieux est parfois l’ennemi du bien et une découverte nouvelle menace l’équilibre retrouvé. Enfin c’est ce qu’annonce la 4e de couv : parce que les risques que provoque la nouvelle découverte sont vaguement annoncés, on prévient qu’il va falloir les prévenir, le héros part faire une visite de contrôle, et puis… et puis rien ne va de travers, les étapes du progrès s’enchaînent l’une derrière l’autre, de cérémonie commémorative en cérémonie commémorative, sans le moindre heurt ou incident.

Disons que la suspension d’incrédulité est mise à rude épreuve dans ce livre trop gentil.

Les miracles scientifiques, ces « nano-zéro » vivants que leur inventeur décrit d’une façon mystique, ne sont pas le seul excès de naïveté du roman.

Et le style qui atteint par moments, particulièrement dans les pages d’introduction, au maniérisme désuet de Hérédia, et qui comporte des emplois de mots inexacts voire incorrects, aggrave encore cette impression que l’auteur est passé à côté d’une véritable réflexion pour nous donner un tableau travaillé et plein de rêve d’un idéal impossible.

C’est dommage. Moi-même proche des idées libertaires, j’aurais voulu quelque chose de plus convainquant. Peut-être les volumes suivants seront-ils plus construits, plus actifs

J’attends donc la suite de la réflexion, et surtout le retour en arrière qui s’imposera une fois les volumes en cours achevés pour rendre crédible la construction d’un avenir viable à la chute du système actuel de prédation et de gaspillage, le retour aux réalités essentielles de la coopération et de la construction non prédatoire d’un monde enfin équilibré.

Pour plus d’infos sur les livres de SF des éditions libertaires,
http://pagesperso-orange.fr/editions-libertaires/Contenu/cata07.html (descendre jusqu’aux livres concernés, Le Vol des Faucons duquel je parlerai plus tard et Les Sources de Sheeba, ou chercher dans le site les livres antérieurs de la collection, que je n’ai pas lus. Vous pouvez écrire à François Dibot, directeur de la collection, à nosfuturs@editionslibertaires.org

DIBOT François, Les sources de Sheeba, tome 1 : Rose du Jourdain, illustration Philippe Véniel, 90 p., éditions libertaires, collection Nos futurs

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