Colonel Sun
Publiée initialement en 1968 sous le pseudonyme de Robert Markham, Colonel Sun est la première histoire officielle post-Ian Fleming décédé en 1964 avant d’avoir pu parachever sa dernière aventure, L’homme au pistolet d’or. Ce sera d’ailleurs le seul roman de l’auteur, par ailleurs expert du personnage et auteur d’une biographie : l’absence de succès du roman mettra pour un moment un terme à la reprise. Il faudra attendre 1977 et la novélisation du film L’espion qui m’aimait, et surtout le début de la série de John Gardner en 1981.
Colonel Sun se situe dans la lignée des romans de Fleming. Il met en scène le plus célèbre espion sur les traces des ravisseurs de son non moins célèbre patron M. Son enquête l’entraîne sur une petite île grecque où doit se dérouler une importante conférence politique entre plusieurs chefs d’état. Le but poursuivi par l’ennemi, un Chinois surnommé Colonel Sun, est de faire exploser le bâtiment abritant la conférence et d’y abandonner les cadavres de M et de Bond, ruinant ainsi définitivement la position de la Grande Bretagne dans la région. Aidé par des membres du renseignement russe, par une jeune Grecque fantasque, Ariane, et par un marin pêcheur, James Bond n’a que très peu de temps pour empêcher le colonel de parvenir à ses fins.
En ouvrant ce roman, il faut bien sûr se replacer dans le contexte historique. Nous sommes en 68, la tension entre l’Est et l’Ouest est encore vive, nous ne sommes pas très loin de la Baie des Cochons. James Bond est tel que dans les récits de Fleming, c’est le cinéma qui a fait de lui le possesseur de multiples gadgets de plus en plus farfelus et incroyables. Les cinq premiers films ont été tournés, avec Sean Connery dans le rôle titre, jusqu’à On ne vit que deux fois. D’ailleurs, peut-être dans une sorte de clin d’œil, Kingsley Amis remarque que ce ne sont pas ses gadgets qui aideront cette fois Bond à s’en sortir.
Le récit, s’il est plaisant à lire, manque cependant un peu d’envergure, le colonel Sun paraissant presque effacé pour figurer un méchant très réussi. Quelques scènes sont cependant bien troussées, comme la fuite d’Athènes, la torture de 007, et, avec le recul, le roman n’a pas à rougir par rapport à certaines aventures plus récentes, je pense par exemple à Solo ou Déclic mortel. C’est là une excellente initiative de la part de l’éditeur, Le Cherche Midi, de nous le proposer dans sa collection Borderline. une collection définie comme s’affranchissant des « sensivity readers », véritable plaie moderne de la littérature.
Mes remerciements à l’éditeur pour sa confiance renouvelée.
Kingsley Amis - Colonel Sun - Edition Le Cherche Midi - Novembre 2022, 13 €