Cinéma spéculations

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Qui ne connaît pas le metteur en scène de Pulp Fiction ou de Kill Bill 1 et 2 ? Depuis plus de trente ans, Quentin Tarantino a marqué pour le meilleur et pour le pire le cinéma américain et même mondial. Excellent dialoguiste, Tarantino a aussi permis à John Travolta ou David Carradine de revenir au premier plan. Cinéma spéculations, publié l’année dernière chez Flammarion, est un essai sur le cinéma et aussi un livre de souvenirs écrit par Tarantino. C’est aussi une clef pour comprendre certains de ses partis pris, de ses travers aussi.

 

Un passionné

 Tout d’abord, soyons clairs : l’amour de Tarantino est authentique. Enfant sans père, élevé par une mère célibataire, le jeune Quentin a certainement trouvé dans les films un exutoire. Il avait pour habitude quand sa mère avait une relation sérieuse de le tester en l’emmenant voir un film (et souvent, c’étaient des films qu’un enfant n’aurait pu comprendre). C’est comme ça qu’il a vu Guet-apens ou Deliverance, ce dernier étant plutôt dur pour un enfant… Au gré des chapitres (chacun commençant par un titre de film), Tarantino raconte des souvenirs personnels mêlés à des analyses cinéphiles truffés de références ancrées dans la culture populaire de l’époque.

 

Flèches empoisonnées

Cinéma spéculations se lit vite et bien et interroge aussi. On suit le réalisateur de Jackie Brown quand il dresse des lauriers à un metteur en scène oublié, John Flynn à qui on doit l’excellent Echec à l’organisation et le décrié (à tort) Légitime violence (avec les très bons William Devane et Tommy Lee Jones). Il décape un peu Guet-apens de Peckinpah et son casting de seconds rôles… Il dézingue Le point de non-retour de Boorman (il va se faire des amis en Europe) sans qu’on comprenne vraiment pourquoi, a des jugements très critiques sur le cinéma américain des années cinquante (incompréhensible quand on voit le nombre de chefs-d’œuvre) et des années quatre-vingt… En fait c’est souvent le problème de Tarantino, proche ici du Truffaut critique de cinéma : il pratique l’invective polémique, sans vraiment donner d’arguments de fond. Ou, dans le cas du Boorman, reproche au film ce qui fait justement ses qualités : sa lenteur, le jeu de Marvin etc. S’il défend Scorsese (il lui reproche quand même d’avoir changé la couleur de peau du mac, le personnage d’Harvey Keitel dans Taxi Driver) et surtout De Palma, il oublie presque Coppola, néglige Spielberg, parle peu de Cassavetes. Par contre, il fait l’éloge des deux premiers Rocky et de Stallone, à raison selon moi. Puis il défend des séries Z que personne ici n’a vues…

Roboratif et cependant passionnant.

Quentin Tarantino, Cinéma spéculations, ISBN 9782290395752, traduit de l’anglais par Nicolas Richard, J’ai lu, mai 2024, 544 pages, 10,50 €

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