Chaleur (La)

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« Oscar est mort parce que je l ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d une balançoire. »

Dès les premiers mots, le lecteur est embarqué dans cette histoire d'une banalité terrible, celle d'un ado qui a franchi la frontière invisible entre le comportement civilisé et la barbarie.

Léonard est un ado assez ordinaire, vivant dans une famille tout aussi ordinaire : trois enfants, un chien, des vacances au camping. Rien ne semble le prédisposer à cet acte insensé, laisser mourir un autre ado sans intervenir et cacher son corps. Le jeune homme a un téléphone portable, il s'intéresse aux filles, se rend aux soirées du camping - passage obligé de tout ado qui se respecte - et aime sa famille.

Pourtant, cette nuit-là, Léonard passe du côté obscur, sans se l'expliquer à lui-même.

La chaleur est le récit à la première personne de quelques jours d'errance de l'ado dans ce camping où tout lui semble surjoué, où la détresse affleure sous les dehors d'une joie artificielle. Dans la touffeur d'un été finissant, Léonard ne comprend pas le monde, son monde. Il voudrait en faire partie mais ne maîtrise ni les codes ni l'intérêt des comportements de ses pairs. Il se laisse porter par les évènements, sans empathie, sans ressentir la douleur de la mère d'Oscar ou le manque affectif de Luce. La culpabilité qui tente de se frayer un chemin jusqu'à sa conscience est noyée par le mal-être du jeune homme. Il s'enfonce dans une série d'actes aussi fous et inexplicables les uns que les autres.

Tour à tour effrayant et pathétique, Léonard décrit ses journées qui sourdent d'une violence psychologique effarante, violence qu'il s'inflige à lui-même et aux autres. Portrait d'un ado à la dérive, sans réelle raison, ce roman montre de façon implacable à quel point le basculement dans une forme de sociopathie est facile pendant cette période charnière de l'adolescence. On a envie de le secouer, de le gifler, de le prendre dans les bras.

Victor Jestin a reçu le Prix des Lycéens pour ce livre en 2019. Pour ma part, je ne le mettrais pas dans les mains de tous les jeunes, seulement à ceux qui ont déjà passé le cap de la crise d'adolescence. Très bien écrit, on ne sort pas indemne de ce cri muet âpre et désespéré. Je regrette seulement une fin peut-être un peu trop consensuelle et convenue.

 

La chaleur de Victor Jestin, J'ai Lu, ISBN 978-2-290-22717-6, Prix 6,90 €

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