Cave aux poupées (la)

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Manon n’est pas une fille comme les autres, ça, elle le sait depuis son plus jeune âge. En effet, une fille normale ne passe pas ses journées à regarder la vraie vie à la télé. Une fille normale ne compte pas les jours qui la séparent de la prochaine raclée monumentale… Mais, par-dessus tout, une fille normale n’aide pas son père à garder une adolescente prisonnière dans la cave de la maison. 

J’ai lu ce livre dans le cadre du Prix des Auteurs Inconnus 2020 pour lequel je suis jurée dans la catégorie Littérature noire depuis sa création, il y a quatre ans maintenant. Avant toute chose, je vous rappelle que, pour effectuer notre présélection parmi les soumissions proposées par les auteurs (une soixantaine rien qu’en littérature noire cette année), nous avons en notre possession trois éléments : la couverture, la quatrième ainsi que les dix premières pages. Après avoir éliminé ceux qui comportent plus de trois fautes parmi ces dix premières pages, nous devons voter pour les cinq romans qui nous ont semblé les plus prometteurs, puis lire les sélectionnés en entier cette fois, avant de les chroniquer et de voter à nouveau afin d’élire le gagnant.

La cave aux poupées de Magali Collet constitue ma deuxième lecture dans le cadre du PAI de cette année. C’est aussi le tout premier roman de l’auteure. Il est à noter qu’il était en tête de ma présélection ; autant dire que j’en attendais énormément. Il avait su me séduire par son sujet mais surtout pour la particularité du choix du narrateur, ou plutôt de la narratrice. Car l’histoire est racontée par la fille de la maison, Manon, qui aide son père à s’occuper des filles qu’il séquestre.

Les sujets extrêmement forts et dérangeants qui sont abordés dans ce livre, et avec lesquels j’avoue avoir beaucoup de mal, peuvent être traités de différentes manières et susciter diverses réactions chez moi. Ils peuvent être survolés, floutés et juste évoqués, ce qui me permet de ne pas trop « souffrir » à la lecture ou bien encore décrits de manière sensationnelle et racoleuse afin d’être livrés en pâture au voyeurisme, procédé que je ne supporte absolument pas. Magali Collet, elle, se positionne entre les deux et, sans nous épargner certains détails, arrive à faire passer l’horreur différemment, par l’entremise de sa jeune narratrice, à la fois bourreau et victime.

Pour ce qui est de la forme, le vocabulaire simple et l’expression basique employés sont tout à fait adaptés à la jeune fille quasi analphabète et rendent l’histoire plus que réaliste. Manon, qui n’a jamais connu d’autre vie, trouve de fait la sienne presque normale et ne discerne pas vraiment le bien et le mal. Les mots qu’elle nous assène sans fioritures ni blabla ont cette force brute qui percute et malmène le lecteur, sans cesse à naviguer entre colère, dégoût et pitié. On souffre physiquement et moralement avec les jeunes filles séquestrées mais peut-être plus encore avec leur geôlière, en découvrant sa vie, ou plutôt sa survie, sous la coupe de son père. Enfin la correction est presque irréprochable puisque je n’ai aperçu que deux toutes petites coquilles sur l’ensemble.

Parlons un peu de l’intrigue maintenant. Elle est relativement simple, ne réserve pas de grande surprise mais propose un rebondissement bienvenu au moment où on se met à craindre que cela ne tourne finalement en rond. Je n’en dévoilerai pas plus. Heureusement le roman est assez court et ne tombe pas dans le délayage. Tout repose sur les thèmes, noirs, sordides, et le traitement particulier qui en est fait ainsi que sur les sentiments qu’ils nous procurent. L’horreur de l’histoire, le réalisme criant de vérité des mots de Manon, son témoignage poignant qui émerge au fil des pages et la sensibilité de l’auteure qui transparaît sous la crudité de l’ensemble. Quant à la fin, elle m’a parue parfaite, dure et tendre à la fois, juste comme je l’espérais.

Vous  l’aurez compris, je n’ai absolument pas été déçue par La cave aux poupées et je vous exhorte ardemment à le lire. C’est un excellent et étouffant huis-clos qui développe plusieurs thèmes durs et dérangeants sur un ton d’une justesse effrayante, révèle que la cause des femmes est chère à Magali Collet, mais parle aussi d’amitié, de rédemption et (je l’espère) de résilience. Un tout premier roman fracassant qui ne peut qu’attirer notre attention et nous inciter à suivre cette auteure prometteuse.

 

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Parue sur Beltane (lit en) secret

 

La cave aux poupées, Magali Collet, Taurnada, 9,99 €

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