Calypso

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Calypso, la nymphe homérique, modernisée par l’écrivain Anne Luthaud, incarne dans le présent roman une sorte d’errance contemporaine dans les limbes de l’image plus qu’un nomadisme joyeux honorant le verbe. On pourrait en nuance l’opposer au second personnage central, Simon, qui se situe tout entier du côté des images extérieures et de leur étalement, si elle voulait bien se tenir du côté du dedans et du pli en tant que celle qui cache et enveloppe pour être fidèle à son étymologie.

Mais tous deux entrent et sortent du champ de l’intrigue en alternance, sillonnant des surfaces sans relâche, celles du monde toujours relancé et à arpenter dehors pour Calypso, définitivement expatriée, et celles des écrans insondables et multiples pour Simon, l’addict au virtuel. Le diptyque finit par renvoyer chaque protagoniste à son propre reflet. Car au cœur de ces deux quêtes, frénétiques quand bien même elles revêtiraient l’apparence de la désinvolture, il semble se dessiner une même hantise qui, d’abord amoureuse chez Calypso, s’étire à l’absolu chez Simon.

L’écriture en suggère le trouble en explorant les méandres de notre fascination actuelle pour l’image au sens profond du terme « fascination » – c’est-à-dire attraction et répulsion – nourrie ici du double fantasme de se réifier en objet livré aux regards anonymes et de se fondre jusqu’à s’évanouir dans l’absence d’épaisseur de l’image. Le destin de la Calypso homérique, condamnée à disparaître de l’espace du récit, n’était-il pas en effet de basculer dans l’univers hallucinatoire de l’image ? Et l’écrivain de recourir à la littérature comme vecteur de cette très moderne odyssée. Comme quoi sans légende, les images ne sont peut-être que redondance muette sur elles-mêmes.

 

Calypso par Anne Luthaud, Buchet-Chaste, 2018, 12€

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