Ca sent le sapin

Auteur / Scénariste: 

Conte de Noël

Laboratoire elfique K-45. Salle de détente.

La porte s’ouvrit dans un bruissement pour laisser entrer deux elfes chercheurs habillés de leur tablier blanc. Le premier était une jeune femme toute petite, même pour un elfe. Le second était un homme un rien plus âgé comme en témoignait la petite barbiche rousse qui s’agitait à l’extrémité de son menton à chaque fois qu’il parlait.

- Mais enfin Charlotte, calme-toi, je t’assure que tu t’énerves pour un rien...

Et voltige la barbiche.

- Oh, mais c’est facile à dire pour toi ! Mooonsieur le responsable des produits, ne te prend pas pour un elfe de troisième catégorie parce que tu n’as presque pas la taille réglementaire ! C’est quoi cette discrimination de...

- Allez, tout de suite les grands mots. Tu ne penses pas que cela a également un rapport avec le fait que tu n’as plus rien inventé de probant depuis six mois ?

Charlotte haussa les épaules.

- Et les six mois d’avant ? Qui a dessiné la machine à plier les sucres d’orge ? L’arrondisseur de boules ? La pelle à neige avec système de conservation des marrons glacés ? Le tournebroche à guirlandes ? Ca ne compte plus le tournebroche à guirlandes ?

Ramon enroula sa barbiche autour de son index, comme toujours lorsqu’il était embêté.

- Oui... Mais c’était il y a six mois... Les cadences sont ce qu’elles sont... Tu sais, les actionnaires veulent des résultats...

Des éclairs verdâtres passèrent dans les yeux bleus de la petite Elfe.

- Tu vas voir que je ne vais pas me laisser faire ! Je vais lui sortir un truc... Ca va le scotcher le « chef des inventions »... Ça me casse ce titre déjà ! Chef des inventions ! Lui qui n’invente jamais rien !

- Oui, mais ça, c’est le concept même des chefs...

Charlotte traversa la salle de détente pour rejoindre le distributeur de café. Alors qu’elle s’apprêtait à glisser une pièce dans la fente du monnayeur, les lettres clignotantes, vertes fluo, sur le panneau de contrôle lui sautèrent au visage.

HORS SERVICE.

- J’y crois pas... Il n’y a plus de café ? En plus ? J’ai fait quoi pour mériter ça ? Je ne me souviens pas d’avoir écrasé une gitane avec mon traineau en venant ce matin au boulot !

- Tu veux un peu de lait ? s’enquit Ramon.

Il ne buvait jamais rien d’autre. Il se baladait toujours avec sa bouteille de lait entier glissée dans la poche de son tablier. Une habitude de consommation qui ne faisait rien pour améliorer son haleine désastreuse. Lui parler en face, c’était un peu comme faire le pied de grue devant le comptoir d’un fromager en pleine canicule. Il fallait avoir un certain courage.

- Non, merci... Il me faudrait quelque chose d’un peu plus raide... Si je veux muscler mes méninges... Il faut que je trouve cette satanée idée avant la nuit de Noël, sinon le chef est foutu de me remettre à l’équipe « jouets en bois ».

Ramon sembla hésiter une seconde, avant d’extraire de sa poche poitrine une petite fiole emplie d’un liquide ambré.

- Ecoute... Je ne devrais pas... Tu vois ce truc ? C’est un accélérateur neuronal.

Charlotte fronça les sourcils.

- Tu te fous de ma gueule ?

- Non... Je sais que nous ne sommes pas censé travailler sur des produits biologiques liés à l’être elfique mais... Mais je l’ai découvert en essayant de fabriquer un additif pour de l’alcool de pomme de pins.

- Et son effet ?

- Comme tout accélérateur neuronal, il va te permettre de carburer de la cafetière sans que cela te fatigue. 48 heures non-stop.

- Tu l’as déjà testé ?

- A ton avis, comment j’ai tenu la cadence, ces dernières semaines ?

Charlotte contempla la petite fiole durant quelques secondes, avant de faire la moue.

- File-moi ton truc... Le chef va voir à qui il a affaire...

Kingston Falls, USA. Quelques jours avant Noël.

Vous imaginez un appartement. Pas très grand. Pas trop petit non plus. Situé juste au-dessus d’une quincaillerie. Ils sont deux à y habiter. Christopher Wood et John Denis Spinhard. La déco des lieux est le reflet surprenant des caractères totalement opposés de ces deux représentants de la race humaine. Pour une moitié, il ressemble à la maison d’un célibataire endurci, amateur de musique classique et de jazz, doté d’un minimum de goût et tout à fait conscient des quarante et quelques années qu’indique son compteur physiologique. John Denis aime aussi les sushis, les costumes bien coupés et les femmes qui savent faire la différence entre Woody Allen et American Pie. L’autre moitié de l’appartement semble tout droit sortie d’un épisode des Simpsons. Avec des affiches de ciné mal collées au mur, des personnages de plastique entassés sur des étagères montées de travers, un ordinateur portable ouvert sur une tablette envahie de canettes de soda. Christopher Wood, qui s’est occupé de la déco de cette moitié de l’appartement, aime aussi les spaghettis bolognaise, les t-shirt de Star Wars et les femmes blondes à gros seins qui fascinent Woody Allen parce qu’elles ont fait de la figuration dans American Pie .

Ces deux hommes s’adorent.

Et partagent leur lieu de vie depuis six ans.

Mais ce soir, le dilemme est de taille.

Car le dernier billet de vingt dollars de leur argent commun trône sur le comptoir de la cuisine.

Et l’un comme l’autre sait ce qu’il faut faire de ce billet de vingt dollars.
Christopher n’en démord pas.

- La séance d’Avatar...

Et John D. De contre-attaquer.

- Il nous faut un sapin de noël.

- Mais comment tu peux mettre notre fric dans un... une sorte de plante qui va perdre ses épines dans tout l’appartement et finir par mourir, arrachée à sa terre natale ?

- Oh, je t’en prie ! Ne me sors pas le couplet de l’écolo à deux cents ! Tu... Tu préfères juste t’enfermer dans une salle de cinéma par regarder des schtroumpfs géants faire mumuse dans un arbre plutôt que de nous offrir un minimum de vie sociale.

- Mais quelle vie sociale ? Je ne savais pas que notre vie sociale dépendait de la présence d’un sapin de Noël ! Nous avons l’esprit de Noël ! J’ai l’esprit de Noël. J’ai un chapeau de Père Noël... je suis prêt à regarder Gremlins, La Course aux Jouets et Piège de Cristal !

- Piège de Cristal ?

- Hé, le meilleur film de Noël... A ce que je sache !

- Tu vois, c’est ça le problème avec toi ! Tu trouves que le meilleur film de Noël c’est l’aventure d’un type à pieds nus qui descend des terroristes dans une tour de verre de 45 étages.

- Trente-sept.

- Quoi trente-sept ?

- Trente-sept étages, sois précis.

- Oh... Il faut que nous achetions ce sapin !

- Mais pourquoi ! Donne-moi une seule bonne raison de...

- Je n’ai pas envie de passer les jours qui viennent à expliquer à nos amis pourquoi nous n’avons pas de sapin. C’est... humiliant.

- Mais enfin pourquoi ? Il y a quoi... 2 milliards de personnes sur cette planète qui passent leur temps à décorer un sapin... Ca fait toujours 4 milliards qui sont exactement comme nous !

- Bon sang, la plupart de ces gens n’ont probablement pas de toit au-dessus de leur tête, je peux comprendre qu’ils n’aient pas de sapin.

- Hé bien, estime-toi heureux. Tu as un toit !

- Oui, et je le partage avec un lourd qui sacrifie notre vie sociale sur l’autel de la consommation hollywoodienne. On pourra toujours aller voir ce film en janvier non ?

- Et on pourrait aussi acheter le sapin en janvier...

- Et pourquoi pas en mai, au moins cela serait original.

- Tu vois, tu commences à penser comme moi.

John D. frappa le comptoir du plat de la main.

- Pas question que je cède. Je prends ces vingt dollars et je vais acheter un sapin.

- Attends, attends... C’est mauvais pour notre karma cette histoire... Je... Je peux comprendre ton envie de te joindre à la cohorte des penseurs consuméristes... C’est un truc que je respecte, je t’assure... Mais... Mais tu ne peux pas m’imposer ton truc... Sinon... C’est comme Frodon avec l’anneau. Il n’a pas choisi. Il a du le porter... Et tu vois comme il a du souffrir ? Mauvais karma.

- Rassure-moi, tu n’es pas en train de me dire que nous allons devoir affronter une horde de créatures venues des ténèbres afin de pouvoir dépenser vingt dollars ?

Christopher secoua la tête.

- J’aimerais bien, mais non. Ca n’existe que dans les films les créatures venues des enfers. Non, je pense que nous devrions.

POP !

Le bruit d’un bouchon de champagne. Venu d’un coin de la pièce, juste à côté de la grande fenêtre vitrée.

Christopher fixa un instant un point situé au-dessus de l’épaule de John D. avant de dire.

- Dis-moi pas que c’est pas un sapin de noël qui vient d’apparaître dans notre salon.

Bureau d’Intervention Spécial du Père Noël. Salle de Conférence.

La Comtesse Mammo refermait le dossier consacré aux activités sismiques inhabituelles constatée au large des côtes de la Sardaigne depuis une quinzaine, lorsque le téléphone intérieur se mit à tintinnabuler.

La Comtesse n’était pas particulièrement superstitieuse, mais cette sonnerie ne lui disait rien qui vaille. Depuis un an, suite à l’affaire du George Clooney (* voir Merry Christmas What Else, du même auteur, l’année passée), elle avait reprit un petit boulot à mi-temps, intervenant dans certains coins du temps et du monde pour remettre de l’ordre dans les affaires un rien paranormales que d’aucun se plaisait à prendre pour des contes de fées.

Que ceux là respirent de près l’haleine fétide d’un Kraken, ou sentent les épines empoisonnées d’un Hérisson Mutant en pleine croissance leur effleurer le dos et ils changeraient sans doute d’avis.

- J’écoute ?

- Ah, vous êtes là madame... Ramon Zarat à l’appareil, de l’équipe...

- ... de recherche et de développement. Je sais Ramon. Je connais les employés de cette boite. Que puis-je faire pour vous ?

- Je... Je crois que vous feriez mieux de descendre au laboratoire madame... Nous avons une... une situation qui demanderait, je crois, votre expertise.

- Vous avez enfilé une paire de gants un rien trop épaisse Ramon. J’en déduis que vous êtes dans la merde ?

- Je n’aurais pas pu l’exprimer plus clairement.

- J’arrive...

La première chose qu’entendit la Comtesse lorsque les portes de l’ascenseur qui l’avait amenée au 1562e sous-sol s’ouvrirent fut les notes de I Was Made For Loving You Baby (You Were Made For Loving Me) du groupe Kiss. Les décibels menaçaient de faire ployer les parois de métal poli du couloir.

Plus loin, elle aperçut un attroupement d’elfes réunis devant la porte d’accès d’un des laboratoires individuels.
L_ es scientifiques à barbiches et yeux en amandes s’écartèrent pour la laisser entrer au cœur du mur de sons... Et contempler par-là même un spectacle plutôt étrange.

Une elfe, plus petite que la moyenne, était juchée sur une table de travail, le tablier rejeté au bas des épaules, la main serrée autour d’un bec Bunzen, heureusement éteint, dont elle se servait comme d’un substitut de micro.

Elle dandinait du derrière d’une façon que l’on pouvait qualifier de « provocante » tout en reprenant, en hurlant, les paroles de Kiss.
Lorsqu’elle vit entrer la Comtesse, elle manqua à peine une mesure pour lui lancer :

- Hé, Mère Noël ! Tu viens me rejoindre ? On fait la teuf !

Mère Noël ? Oui, précisons qu’en plus d’être une ancienne espionne au service d’une organisation secrète tellement secrète que même les plus enragés des conspirationnistes n’en avaient jamais entendu parler, la Comtesse Mammo était devenue la femme du Père Noël. Il y avait gagné l’immortalité et le bonheur de pouvoir enfiler ses tenues de combats ultra-moulantes en matériaux composites même après une orgie de bûches glacées et de Sauternes.

- Qu’est-ce qu’elle a pris ?

La question s’adressait à Ramon Zarat, qui s’était fait tout petit dans un coin de la pièce.

- Je... Comment dire... Elle a sifflé une ampoule d’un petit produit que j’ai mis au point...

- Un produit ?

- Un accélérateur neuronale.

- Ah bravo !

- Ceci dit, ce... Disons que ce comportement un rien dantesque n’est pas le plus grave...

- J’attends la suite avec impatience...

D’un geste rapide, Ramon fit pivoter l’ordinateur portable posé sur le coin d’un bureau. Il double-cliqua sur un fichier vidéo. Les images, granuleuses et en noir et blanc, étaient celle de la caméra de surveillance du laboratoire. Après une dizaine de secondes, les yeux de la Comtesse s’agrandirent de surprise... Puis d’horreur. Lorsque Charlotte et son invention quittèrent le cadre, la Mère Noël se tourna vers Ramon.

- Où l’a-t-elle emmenée ?

- C’est pour cela que je vous ai appelée. J’ai essayé de la suivre avec les caméra du labo, mais à un moment, elle est entrée dans la salle vingt-sept... C’est...

- A LA POUBELLE ! se mit à hurler Charlotte, alors que les notes de Kiss étaient remplacées par celle de Last Christmas de Wham. Je l’ai balancé à la poubelle ! Dedans ! Pouf... Il a disparu. Broyé ! Oublié... Et lundi, je serais virée... Parce que je n’ai pas bien travaillé... Hooouuu, la vilaine Charlotte !

Sur ce, elle tenta maladroitement de descendre de sa table de travail, failli perdre l’équilibre et se rattrapa de justesse à une lampe suspendue qui se décrocha en crachant des étincelles dans toutes les directions.
Et Charlotte l’elfe de se retrouver sur le derrière, l’abat-jour de la lampe posé de travers sur la tête, le regard perdu, le bec Bunzen toujours serré dans la main.

- Qu’y a-t-il dans la salle vingt-sept ? demanda la Comtesse.

Doigt tendu, Ramon indiqua le plan en trois dimension qu’il avait affiché sur l’écran de l’ordinateur portable.

La Comtesse fit la grimace.

- J’aurais du m’en douter... C’est toujours pareil...

Elle décrocha le petit émetteur qu’elle portait toujours à la ceinture.

- Salle des transports ? Faites chauffer le Traineau Emmett. Et préparez-moi le matériel Format 5... Oui, vous avez bien entendu... L’outillage de chasse au nuisible...

Kingston Falls. USA.

John D. Fixa une seconde son ami avant de reprendre :

- Je te demande pardon ?

Christopher indiqua le fond de la pièce, l’air incrédule.

- Tu as entendu le « pop ».

- Oui.

- Et bien, juste avant le POP, le coin de la pièce était vide. Et là maintenant, il y a un sapin de Noël. Devant la fenêtre.

- Je me demande si tes blagues de collégien ne commencent pas à me taper sur le...

La sonnerie de la porte d’entrée l’interrompit.

Le visage de Christopher s’éclaira.

- Les pizzas !

- Les pizzas ? s ’étonna John D. Mais on n’a plus que vingt dollars et...

- C’est la promo du mois. Achète à Noël et paie au Nouvel An. C’est sympa...

Christopher ouvrit la porte.

Le livreur se tenait dans l’entrée, quatre pizzas en équilibre sur ses avant-bras.

- Bonjour, c’est pour ici la commande de quatre Jumbo Full Option ?

- Yes !

La seconde d’après le livreur avait disparu et Christopher rebondissait comme une poupée de chiffons contre la petite table basse qui meublait le mini-hall d’entrée de l’appartement.

Le temps de reprendre ses esprits et il entendit un hurlement de douleur, suivie d’un déchirement humide, puis d’un second hurlement.

Cette fois, il reconnu sans mal la voix de John D.

Et il leva enfin les yeux, vers le fond de l’appartement.

Les jambes du livreur de pizza dépassait encore de la masse épineuse des branches de sapins. Mais son bras gauche pendouillait, arraché au tronc, sur le coin du canapé. Son bras droit était aux abonnés absents. Et quelques litres de son sang couvraient le visage et le corps de John D.
Avec la vélocité de tentacules, deux branches du sapin s’enroulèrent autour des jambes du livreur, puis serrèrent. Les deux membres furent sectionnés à hauteur des genoux, dans un craquement d’os de poulet broyés.

- Putain, il a bouffé les pizzas, grogna Christopher.

John D. s’extirpa de sa tétanie une demi-seconde avant qu’une nouvelle branche ne fuse dans sa direction. Il plongea à l’abri du comptoir de la cuisine américaine, alors que le contenu d’une étagère lui tombait sur le coin de la cafetière.

- C’est quoi ce délire, laissa-t-il tomber en rejoignant Christopher à quatre pattes.

- Moi, je dirais une sorte de Sapin Mutant, mais bon... Je ne suis pas un spécialiste. Et puis je sais que tu n’y crois pas...

- Je ne sais pas pourquoi, mais dans ce cas-ci, mon scepticisme est mis à rude épreuve.

Une violente secousse agita le comptoir. Puis une seconde.

- Je crois qu’il sait que nous somme là, chuchota Christopher.

- Alors pourquoi tu parles tout bas ?

- J’en sais rien. Je pense que je suis terrifié...

John D. s’empara d’une casserole tombée à ses pieds. Il l’envoya en direction de la porte d’entrée. Avec une vitesse effrayante, une branche jaillit, s’en empara et la broya comme une vulgaire canette de soda.

- Rapide l’animal, commenta Christopher. Et puissant... Très puissant... Il ne manquerait plus qu’il sache se déplacer.

Une sorte de frottement résonna dans tout l’appartement. Le son d’une motte de terre glissant sur le sol.

- Hu-ho, fit John D. Cette fois on est vraiment dans la merde...

Deux chocs simultanés. Deux explosions de bois. La pointe de deux branches apparut sous l’angle du comptoir, là où il était retenu au sol par un système de fixation « révolutionnaire et solide », selon la brochure de l’installateur de cuisine.

Le sapin arracha le comptoir d’une seule traction, l’envoyant valdinguer à l’autre bout de l’appartement dans un fracas de fin du monde.
Les deux hommes reculèrent à toute vitesse en direction de la porte d’entrée. Mais trop tard. Une branche frappa le battant, le refermant définitivement.

Christopher et John D. étaient pris au piège.

Les branches claquèrent dans l’air surchauffé de l’appartement.
Le billet de vingt dollars, sujet de leur dilemme, retomba lentement vers le sol en voletant comme une feuille morte.

- Ca sent le sapin, grogna John D. en fermant les yeux.

Et l’enfer se déchaîna.

La grande fenêtre panoramique explosa, emportant les rideaux dans un souffle de millions d’éclats de verre.

Une corde de nylon serpenta sur le sol.

Et une apparition, Christopher pas plus que John D. n’aurait pu la définir autrement, déboula dans la pièce.

Costume de composite noir soulignant des formes affolantes, cheveux au vent, sourire ravageur, le bras supportant une sorte de mitrailleuse lourde, doublée d’une lame de scie circulaire, la Comtesse Mammo semblait tout droit sortie d’une bande dessinée de Forrest. Barbarella des temps modernes !

- Ne les touche pas sale tronc ! cracha-t-elle avec un évident plaisir.
Les branches dévièrent de leur cible première.

C’est tout ce que la Comtesse attendait.

Dans un ballet meurtrier, mais élégant, croisement peu probable entre le travail de Maurice Béjart et Quentin Tarentino, elle entreprit d’équarrir prestement l’arbre mutant. Chaque fois qu’une branche frappait dans le vide, un morceau de bois volait, des épines tombaient... De la sève éclaboussait les murs. Moins de trente secondes après le début du combat, la Comtesse était debout sur un tas de bois de chauffage encore tâché des restes sanguinolents du pauvre livreur de pizzas.

La scie circulaire émis un dernier crissement.

La Comtesse était à peine essoufflée.

- Ca va les garçons ?

- Mieux que le livreur de pizzas, fut tout ce que Christopher parvint à dire.

- Je confirme... Cette saleté a une capacité de digestion hors du commun... Il n’y a rien à remettre à sa famille...

- Mais... Je voulais juste savoir, fit John D. Cette... Saloperie, c’est quoi exactement ?

- Disons que c’est une erreur scientifique. Certaines personnes ont bu un coup de trop et l’ont laissé traîner là où il ne fallait pas... Mais... Pas un mot hein...

La demande était accompagnée d’un tel sourire que les deux hommes surent qu’ils ne diraient jamais rien à personne.

Alors que la Comtesse Mammo, alias Mère Noël s’apprêtait à repartir par là où elle était venue, Christopher ajouta tout de même :

- Mais.. Mais... On va nous poser des questions... Et...

- Vous n’aurez qu’à dire que c’est à cause des elfes du Père Noël !

FIN

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