Victimes et bourreaux

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La fort belle couverture de Julien Delval est certainement la partie du livre la plus conforme au titre : encore qu’il y manque un bourreau et que si le mot victimes s’applique souvent aux personnages des récits, les véritables bourreaux y soient rares.

Certains auteurs ont réellement répondu au cadre posé : Pierre Bordage nous demande Qui sera le bourreau ? et nous oblige à réfléchir sur les crimes inconscients et les vengeances. L’héroïne de La Stratégie de l’araignée de Charlotte Bousquet est soumise à la question mais parvient à retourner contre le bourreau son interrogatoire. Le Deuxième Œil de Sam Nell, nous raconte comment un cyclope cherche en traversant les supplices à dépasser les limites de son corps. Et Xavier Maumejean, dans Mazbaleh, reprend en vingt versets le Livre de Job en transformant le combat de D. et Satan en autre chose.

Déjà la question des crimes d’un fou est assez limite par rapport au cadre posé. Le prêtre qui réclame en suppliciant un enfant Que justice soit faite ! pour le crime qu’il croit avoir commis en attirant la peste dans le conte de Maïa Mazaurette, le paranoïaque de Au-delà des murs, de Lionel Davoust, sont-ils des bourreaux ?

Quant aux autres récits, s’ils présentent criminels et victimes, il ne s’agit plus en aucune façon de bourreaux et de supplices. Qjörll l’assassin, le personnage de Michel Robert, est certainement un anti-héros assez insupportable, mais où est le bourreau ? Le narrateur de Porter dans mes veines l’artefact et l’antidote de Justine Niogret est certainement une victime du sort fait à ses semblables, mais peut-on qualifier de bourreaux ceux pour qui il n’est qu’un animal de cirque ? Le malentendu créé par la jalousie dans Ton visage et mon cœur de Nathalie Dau est d’une certaine façon un double supplice des personnages concernés, mais encore une fois il n’y a pas de bourreau, si ce n’est l’incompréhension. La haine entre les Frères d’armes de Jeanne-A Debats peut-elle être qualifié de bourreau, comme la jalousie dans le récit précédent ? Dans Désolation, de Jean-Philippe Jaworski, il y a des victimes, d’un mensonge ancien, mais peut-on qualifier de bourreaux ceux qui vont les massacrer lorsqu’ils découvriront la vérité ? Et l’héroïne du Démon de Mémoire de Paul Béorn refusera de se transformer en bourreau pour détruire le dit démon, au risque d’en susciter un autre...

Même si les différents textes de cette anthologie ne répondent pas au titre, ils n’en sont pas moins intéressants et réussis. Les questions posées et traitées dans ces douze récits ne sont pas exactement celles annoncées, mais elles n’en sont pas moins intéressantes et traitées avec talent. Quelques textes liés à des séries existantes inciteront le lecteur qui ne les connaîtrait pas encore à découvrir les dites séries. Et cette anthologie qui, à mon avis, ne comporte pas de déchet, illustre avec talent une année réussie des Imaginales.

Victimes et bourreaux, anthologie de Stéphanie Nicot pour les Imaginales 2011, 237 p., couv. Julien Delval, 18€, ISBN 978-2-35408-118-8, Mnémos Fantasy

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