Héritiers d'Homère (Le)
Quel bonheur de voir de jeunes écrivains s’enthousiasmer pour les mythes grecs au point de collaborer à un recueil thématique s’inspirant du vieil aède !
« C’est un banquet. De multiples saveurs s’offrent à vos papilles comme à vos yeux » préfacent les anthologistes. Voilà qui est parfaitement dit. Tout au long de ces dix-huit nouvelles, en effet, le lecteur revisitera la Grèce et ses héros merveilleux. Il y a encore tant à en dire... Dès les premiers textes, voici Dionysios, les centaures, Hercule et Déjanire, ou Midas. Et la nouvelle introductive, écrite par Frank Ferric, La bouteille, le barbu et le sens du monde, donne le ton : légère peut-être, joliment rédigée, mais allant bien loin dans l’évocation poétique. Magnifique tour de force de Claire Jacquet ensuite, réussissant à écrire une pièce de théâtre en cinq actes en... onze pages ! La mort unissant les figures de Perséphone, Hadès et Hécate est au centre du beau conte de Sophie Debat et l’admirable Aube d’Eliane Aberdam relate avec infiniment de tristesse les affres d’Oreste le matricide. Tout comme celles de la terrible magicienne Médée, figure emblématique de l’Antiquité impitoyable, revues par Jeanne-A Debats, récente lauréate du Prix Rosny à la Convention de Bellaing. Nadège Capouillez, elle, revisite l’immortelle Vénus de Milo de manière cruelle et brillante. Ouvertement homériques, et fort classiques donc, sont les textes de Charlotte Bousquet, bel hommage au couple fidèle de Philémon/Baucis, ou d’Yan Marchand, austère et épique comme de l’Eschyle.
Deux nouvelles, par contre, s’avèrent très modernes de ton : La descente aux Enfers d’Orphée et Eurydice de Anthony Boulenger, dans laquelle Orphée, dessinateur sur murs, s’en va quérir son aimée dans une taverne de drogués. Par son sens de l’évocation et son atmosphère, certainement l’un des plus beaux textes du recueil. Quant à Nicholas Eustache, il fait se rencontrer Persée et Andromède dans un langage hyper contemporain et qui, ma foi, m’a fort plu, même s’il détonne un peu dans l’ensemble. Dernier moment important, l’assez long récit de Romain Lucazeau intitulé Les sept derniers païens, décrivant les aventures d’un mercenaire picte sous Justinien et l’affrontement entre le christianisme et le paganisme. Remarquable.
Ce bel ouvrage conclut par un ’petit glossaire mythologique’, bien utile à ceux pour qui ce monde remonte aux études secondaires, et par un ’dictionnaire des auteurs’. Auteurs tous assez nouveaux, je le rappelle, et que je félicite pour leur amour d’Homère et de cette immortelle civilisation gréco-romaine à laquelle ils offrent ici le plus bel hommage : celui de la jeunesse.
Nathalie DAU et Jean MILLEMAN présentent « Les Héritiers d’Homère », anthologie, ill. Mathieu Coudray, 360 p., Argemmios Editions.