Léviatemps

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Paris, 1900. Guy de Timée, romancier à succès, vit pourtant dans les combles grinçants d’une maison close. Du jour au lendemain, il a tout plaqué. Femme, enfant, amis, réussite, il n’a plus supporté la pression, celle de réussir par tous les moyens, celle d’écrire ce qu’on attend de lui. Il a décidé de se lancer dans un roman policier qui plonge dans les bas-fonds de la civilisation, de ce Paris que le monde entier admire. Il veut être confronté au sang et à la violence. A la mort, qu’il appelle de tout son être. Elle va surgir au milieu de la nuit en la personne de Milaine, jeune prostituée du lupanar, assassinée dans des circonstances particulièrement étranges. Et si elle n’était pas la première ? Qui rode dans les rues de la capitale, dans l’ombre de l’Exposition Universelle ? Quel est le sombre dessein de ce tueur de femmes, qui ne laissera bientôt derrière lui que des costumes de peau ?

Tour de force. Ce sont les premiers mots qui me sont venus à l’esprit, alors que j’avançais dans le nouveau roman de Maxime Chattam. Pour le coup, j’ai même osé, dans un coin de mon esprit, faire le parallèle avec Stanley Kubrick. On retrouve dans ce Léviatemps un tel souci du détail, un telle précision dans la description des ambiances, une telle justesse dans l’utilisation de la langue que les échos du perfectionnisme de l’auteur de Barry Lindon ou de 2001 résonnent entre les lignes de cette aventure littéraire. Autre média, certes… Mais communauté d’approche. Il faut dire que Maxime en parle depuis longtemps de cette histoire enracinée au cœur de l’Exposition Universelle, à la charnière d’un siècle qui meurt et d’une nouvelle ère qui s’ouvre pleine de promesse… Et, on le sait maintenant, pleine d’horreurs innommables et de dérives stupéfiantes de la nature humaine. Il en parle et il l’a peaufiné son roman, jusqu’aux jaunes boulons de la Tour Eiffel, jusqu’à la moindre ampoule de cette porte monumentale qui trônait alors sur la place de la Concorde. Vraiment, on s’y croirait…

Mais, qui bene amat, bene castigat, non ? Après avoir fait mon malin avec mes cinq seuls mots de latin que je connais, et depuis les années que je suis le sieur Chattam dans chacune de ses évolutions, il me pardonnera ma légère objection : celle qui porte sur le récit en lui-même. Articulé, de façon peut-être trop évidente, sur la formule de l’enquête à rebondissements, l’aventure menée par Guy de Timée, (reflet inversé de l’auteur pressé d’enfin abordé le monde du polar glauque après de trop nombreux romans « populaires et classiques ») emprunte des chemins balisés… Et mène à un final un rien précipité, presque brouillon, où les motivations de l’assassin ont du mal à s’éclaircir. Fasciné par son décor, l’auteur de la Trilogie du Mal a-t-il oublié quelque peu la mécanique du récit ? Et surtout l’évolution de ses personnages ? Peut-être… En l’état, Léviatemps reste malgré tout un roman fascinant, qui risque de surprendre plus d’un lecteur-fan de Joshua Brolin. L’éclat d’une époque qui ressemble étrangement à la nôtre et nouvelle plongée troublante dans la psyché du Mal à visage humain. Avec deux cents pages de plus (oui, oui, c’est bien moi, l’amateur de thriller survitaminé allergique aux scènes trop longues qui rédige ces lignes) Maxime Chattam nous aurait servi un « magnum opus » à ranger aux côtés de l’Aliéniste, ou de From Hell. Mais, peut-être la « suite » de Léviatemps, prévue pour le printemps, achèvera-elle un travail déjà bien engagé ?

Maxime Chattam, Léviatemps, Albin Michel

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