Burning Sky
En général, je ne crois pas utile de critiquer un livre qui m’a déplu ; le but d’une recension est d’inciter les lecteurs potentiels à lire et de leur indiquer ce qui va les intéresser, quitte à signaler certains défauts. Mais quand un livre, pourtant présenté comme un chef-d’œuvre potentiel, accumule les dits défauts, je tiens à signaler pourquoi ce livre, contrairement à celui que j’ai lu juste avant et dont je disais en plaisantant qu’il mérite 0 puisque supérieur à 19 et pas tout à fait égal à 20, m’a tellement déplu que je me demande si c’est moi qui ne sais plus lire…
L’idée d’un roman de type « steampunk » qui proposerait une alternative à la victoire nordiste dans la Guerre de Sécession américaine et qui laisserait imaginer (mais rien dans le roman ne dira comment ce second résultat aurait été obtenu) la création d’un Empire mexicain dirigé par la famille de Maximilien est une idée intéressante. Que cette défaite du Nord ait été provoquée par la création par un « savant fou » allemand imitateur de Nemo et de Robur le conquérant de dirigeables de guerre est une idée intéressante, le « steampunk » s’inspirant ouvertement de Jules Verne. Que ce héros soit accompagné d’une bande hétéroclite de sept mercenaires (en le comptant) qui tiennent plutôt des Pieds nickelés, pourquoi pas ? Et que les scènes finales de la partie principale du roman, c’est-à-dire l’histoire de la construction et de l’apparition du Leviathan soient une copie de la bande dessinée Le secret de l’espadon n’est absolument pas rédhibitoire. Mais tout cela gâche complètement à mes yeux le but annoncé dans la quatrième de couverture du livre d’un portrait au vitriol, accompagné d’ailleurs par le rappel en fin de livre des faits qui se sont produits dans notre chronie et d’une large bibliographie qui prouve que Stéphane Przybylski ne s’est pas contenté d’écrire un comic Marvel ou un jeu vidéo, mais désire attirer l’attention du lecteur sur la réalité de notre monde. Parce que l’aspect bande dessinée ou série télévisée du livre cachera à la majorité des lecteurs les bases sérieuses de son écriture.
Et puis il y a un autre « truc littéraire » de plus en plus à la mode et utilisé à tort et à travers pour prétendre donner de la profondeur au roman, que j’exècre dès qu’il n’est pas demandé par la trame même de celui-ci : d’une part le prologue qui n’est en fait que le début de l’épilogue, situé un siècle après l’histoire et après, même, cette autre histoire évoquée au début de ma critique et non racontée dans le roman, la naissance de l’Empire du Mexique. Si encore l’auteur s’était contenté de le mettre entièrement en épilogue, le lecteur n’aurait pas attendu que le roman raconte cette autre histoire.
Pour aggraver la chose, une autre histoire, qui elle pourrait conclure le roman, celle qui se passe en 1870, est amorcée dans le chapitre 1 et conclue dans le chapitre 40, dernier du roman, celui qui justifie le titre du roman entier. Ces chapitres 1 et 40 auraient pu constituer prologue et épilogue du roman, le prologue et l’épilogue actuels étant renvoyés au deuxième roman qui racontera la naissance de l’Empire du Mexique.
Pour compliquer la lecture et rajouter au roman qui n’en avait pas besoin une qualité d’énigme pour le lecteur, un certain nombre d’épisodes antérieurs à l’action qui se déroule en 1863 et 1864 sont intercalés en tant que flash-backs ; utiles dans un roman d’enquête, de mystère, ces flash-backs sont ici des trucs littéraires dérangeants pour le lecteur qui désire suivre l’histoire. Remettre en ordre chronologique tous les chapitres entre 2 et 39 aurait évité de poser des chausse-trapes au lecteur.
Est-il nécessaire de rappeler en plus que les noms indiens ne sont pas des noms anglais et que, quand on ne les donne pas en langue indienne, on peut les donner en français ?
Voilà pourquoi je ne garderai qu’un très mauvais souvenir de ce roman. Si c’est parce que je n’ai pas compris, j’attends des motifs de le réapprécier…
Burning Sky, de Stéphane Przybylski, Folio SF n°757, 2024, 515 p., couverture de Nicolas Fructus, code F8, ISBN 978-2-073-05369-5