RIVIERE Benoît et COFFONI Philippe 01
Bonjour. Avant d’attaquer les questions sur « Milo », que pouvez-vous nous dire de votre parcours bd ?
Benoît Riviere : La B.D. et moi c’est une longue histoire ! J’en lis depuis tout petit et je suis devenu collectionneur au fil du temps. Puis j’ai eu envie de passer de l’autre côté de la barrière, j’avais quelques histoires à raconter. J’ai d’abord écrit Missy, un one shot à La boite à bulles avec Hallain Paluku, puis j’ai rencontré Philippe Scoffoni. Milo est né.
Philippe Scoffoni : Milo est ma première bd, mais j’ai beaucoup dessiné ces 15 dernières année, notamment pour le story-board publicitaire. J’ai longtemps cherché un scénario pour m’y mettre, mais n’osant pas démarcher directement les éditeurs, j’ai du attendre d’avoir internet pour trouvé un scénariste avec qui je pourrais m’entendre.
Benoît Rivière, votre bd se passe dans le futur. La présence de ce futur reste cependant assez discrète. Pas de robots à chaque coin de rue, pas de gadgets démentiels, juste une technologie plus poussée. Pourquoi ce choix ?
C’était nécessaire pour expliquer certaines technologies (comme la "mort provisoire", les "dreams and trips"...) qui n’existent pas aujourd’hui à ma connaissance. Et puis, c’est aussi avoir quelques libertés avec la réalité, surtout pour Philippe. Le décalage dans le temps lui permet de ne pas tomber dans l’aspect documentaire, de s’éloigner d’un environnement urbain précis. "Milo" se passe à Los Angeles, la ville du polar par excellence, mais en 2030, ce qui lui épargne le réalisme de la ville telle qu’elle est actuellement.
Philippe Scoffoni, quand on vous demande de dessiner le futur, comment procédez-vous pour le mettre en images ? Quels liens faites-vous avec notre présent ?
Ce qui m’intéressait justement dans ce scénario c’est l’anticipation appliquée à une trame de polar. Il s’agit d’une anticipation légère. Dans 20 ans beaucoup des choses que l’on connaît seront encore là. L’action se passe à Los Angeles. Je me base sur de la documentation photo et je change un peu le design de certains objets et véhicules. Pour ces derniers, je m’inspire essentiellement de concept car. Le côté anticipation reste très discret dans la série.
A tous les deux. Milo Deckman est le portrait type du bon flic fouille merde et intègre. Des films comme ceux de Bruce Willis vous ont-ils influencé dans la création de ce personnage ?
Benoît Riviere : Non, pas vraiment je ne vois pas du tout Milo comme un ersatz de Bruce Willis, le personnage lorgne plutôt du côté de Clint Eastwood. Milo n’a pas du tout le côté tête brûlée que pourrait avoir un Bruce Willis.
Philippe Scoffoni : Pour ma part je me suis inspiré du physique d’un acteur américain et ce n’est pas Bruce Willis. Certains l’ont reconnu. Encore faut-il le connaître. Ses initiales sont BG.
Le personnage du docteur Cinil aime s’évader dans les mondes virtuels. Etes-vous pratiquant de cette tendance très actuelle à l’évasion virtuelle ?
Benoît Riviere : Pas du tout ! Mon évasion virtuelle s’arrête au surf sur Internet... Et puis il n’y a pas encore de dreams and trips à côté de chez moi !
Philippe Scoffoni : D’une certaine manière c’est ce que l’on vit en tant que spectateur ou lecteur d’une fiction quelle qu’elle soit. On se projette dans un personnage et sa réalité. En tant que créateur aussi. Mais le côté interactif ne m’a jamais attiré. Je ne suis pas joueur.
Pensez-vous qu’à l’avenir, ce moyen qui nous est offert à tous de fuir le réel, devienne notre quotidien et finisse par modifier profondément nos comportements ? Si oui, en quoi ?
Benoît Riviere : Non, je ne crois pas. Même si Internet prend une part grandissante dans notre vie de tous les jours et que les consoles de jeux construisent des mondes virtuels de plus en plus crédibles, on est, à mon avis, encore très loin d’une société complètement virtuelle.
Philippe Scoffoni : Je suis tout à fait confiant en la capacité de l’homme à s’adapter. Sans doute que la technologie permettra de créer de la porosité entre réel et virtuel. C’est déjà le cas il me semble avec le téléphone, quand on parle avec quelqu’un qui n’est physiquement pas présent.
Benoît Rivière, Camille Cinil est chirurgien-dentiste. Vous aussi. Il aime la pêche. Il aime les voyages dans des contrées lointaines, isolé du monde. Quelle part de vous-même se retrouve dans ce personnage ?
Nous faisons le même métier, c’est exact. J’aime aussi voyager, mais comme beaucoup de monde je pense. Mais c’est surtout un solitaire, comme Milo, et ce qui est aussi mon cas. Mais je ne peux pas dire que je m’identifie vraiment à ce personnage.
Philippe Scoffoni, les attitudes de vos personnages font plus vraies que nature. Comment parvenez-vous à un tel réalisme dans vos dessins ?
J’ai pas mal posé pour trouvé les bonnes attitudes. Le tout est de trouver la pose la plus juste, celle qui révèle l’intériorité du personnage. Cela doit venir de mon goût pour le jeu d’acteur. Je le fais moins systématiquement. Avec le temps je prévisualise mieux les choses avant de les dessiner.
Avez-vous travaillé ensemble sur la construction de ce Los Angeles futuriste ? Y êtes-vous allés ? Comment l’avez-vous créé ?
Benoît Riviere : Non, je n’y suis pas allé. J’ai travaillé à partir de plan de la ville trouvé sur Internet pour être un minimum cohérent. Quant à l’aspect graphique, je n’avais pas de souhaits particuliers et j’ai laissé carte blanche à Philippe qui a su créer un univers d’anticipation très crédible.
Philippe Scoffoni : Je construis cela au fur à mesure des planches. Je m’attache plus aux ambiances du décor, qu’au décor lui-même. Un beau décor mal éclairé ne laissera aucune impression véritable.
Philippe Scoffoni, je sais qu’un dessin ne parle pas, mais la façon dont vous transcrivez Los Angeles (les plans de vue, les grands angles, les grands espaces) j’ai eu la sensation de voir une ville silencieuse, quasi vide de gens, comme si dans le futur les gens étaient plus dans les bâtiments ou leurs voitures qu’à pied dans la rue. Comment l’expliquez-vous ?
Ce sont des choses que je ne fais pas consciemment. C’est peut-être un défaut de ma part ou une qualité. Je ne sais pas.
Benoît Rivière, le tome 2 nous offre une surprise de taille avec le personnage de Flora. Quand vous construisez votre scénario, avez-vous déjà conscience de ces rebondissements ou vous arrivent-ils soudainement comme si vos personnages prenaient vie, malgré vous ?
La surprise dont vous parlez concernant Flora dans le tome deux était bien sûr prévue dès le début. Toutes les grandes lignes étaient déjà tracées et je sais où je vais. À mon avis, il est indispensable de savoir où l’on doit amener son récit. J’ai lu trop de séries avec des premier ou des deuxième tomes très prometteurs mais dont la suite été totalement farfelue ou insipide prouvant bien que le scénariste naviguait à vue. Je suis d’accord pour que le scénariste se laisse une certaine marge de manoeuvre et les échanges avec le dessinateur entraînent forcément des modifications au cours de l’écriture. Mais partir sur une simple base en se laissant complètement guider par le récit me paraît assez risqué pour maintenir une qualité dans la narration. Ou alors il faut être scénariste surdoué !
Pouvez-vous nous livrer un petit secret sur le prochain tome ?
Benoît Riviere : Oui, il va y avoir des morts.
Philippe Scoffoni : Non, mais en tant que lecteur j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir le scénario du tome 3.
Un petit truc à rajouter :) ?
Benoît Riviere : Merci à vous !
Philippe Scoffoni : Merci !