Nuit tatouée, La peau des rêves T1

Il s’agit d’un livre pour « jeunes adultes » et du premier épisode d’une série. Certains préféreront attendre que la série se soit développée pour la découvrir, ce premier volume ne faisant que présenter les personnages et les questions qui se posent à eux. Avec de surcroît une construction en abyme, puisque nous avons une narratrice qui, tout en vivant une histoire à tiroirs, raconte à ses interlocuteurs – geôliers – une aventure qui se déroule dans le même futur post-apocalyptique où elle-même se trouve.

Le cadre : après l’effondrement de notre civilisation, des clans essayent de survivre à la limite des ruines de Paris. Il y a des Mens, des humains « normaux » ; il y a des Chimères, croisements d’hommes et d’animaux ; il y a des Dégénérés, humains devenus cannibales ; il y a Ceux-d’en dessous, monstres variés réfugiés dans les souterrains ; et il semble que les Roms, les Gitans, constituent de nouveau un groupe à part, avec un talent-malédiction pour les contes.

L’héroïne principale, Cléo, vit chez les Mens. Fille adoptive du chef du clan du Passage, elle a perdu ses parents et on lui raconte qu’ils ont été tués par les Ashes, les Chimères, auxquels elle voue une haine aussi forte que celle des autres membres du clan. Seulement ses rêves, ses cauchemars plutôt, lui racontent une autre histoire. Le jour où elle découvre sur le bras d’une Chimère qui lui ressemble un tatouage identique à celui qu’elle porte, elle veut savoir ce qu’il en est. Et la quête de la vérité va la mener loin de son clan...

J’ai presque gâché le livre dans cette présentation parce que ce premier volume de l’histoire ne contient que peu de choses non expliquées ci-dessus. Vivement la suite qui développera enfin cette histoire... Et celle de la conteuse.
Certains seront peut-être surpris de lire sous la plume de Charlotte Bousquet une histoire qui, à la « malédiction » des Gitans près, est une histoire de SF. Moi pas : il y a un certain temps que j’ai vu que Charlotte ne se laissait pas bloquer par les limites entre fiction « réaliste », fantastique, fantasy et, maintenant, SF, l’existence ou non de magie, de surnaturel ou de science étant toujours accessoire dans ses romans. La réflexion sur les personnages reste la même si le décor semble changer. Et le talent de l’auteur fait vivre le monde sans que la question de son statut vis-à-vis des frontières de « genre » se pose.

Plus problématique pour le lecteur âgé que je suis est la question de savoir si les exigences de Charlotte quand à la compréhension par les jeunes d’un certain nombre d’idées qu’elle présente de façon simple, mais pas du tout simpliste, ne sont pas excessives. Il n’y a pas de réponses prémâchées à des questions compliquées sur les différences, les relations avec autrui et avec les garçons quand on est une fille. Ce livre demande un certain effort de réflexion pour le jeune lecteur. J’espère qu’ils seront nombreux et nombreuses à le faire.
Mais j’attends avec impatience la suite, le développement indispensable des histoires qui ne sont encore qu’esquissées.

Nuit tatouée, La peau des rêves 1, par Charlotte Bousquet, Galapagos 2011, ill. Mélanie Delon, 230p., ISBN 978-2-8098-0562-8