Pouvoir des maux (Le)

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Fantaisies champêtres

On dit que les Français n’aiment pas les nouvelles. Eric Boissau ne doit pas être au courant. Ou bien, au contraire, ça l’émoustille. Comme un défi supplémentaire. Comme un bon tour de plus à jouer à la grisaille ambiante et la face compassée des critiques urbains. Urbain, il l’est très peu, avec une vitalité toute primesautière et un sens très aigu de la farce paysanne. Ses personnages, ils les extirpe de l’imaginaire féerique, version Tex Avery plus que Disney, et les plonge dans des jeux de rôles machiavéliques et rugueux, des pièges logiques et bon enfant, dans lesquels les dragons ne sont pas obligatoirement cramants et les barbares plutôt déconnants. La magie noire est souvent invoquée, mais pour un ratage en beauté.


Fabrice Colin, son ami et néanmoins collègue, voit en cet écrivain un conteur hors pair. Le jugement est habile : Boissau est un bricoleur surdoué, et certainement il sait utiliser les accessoires du conte, avec les loups qui parlent, les jeunes chevaliers et les bergères un peu nigaudes. Mais la qualification est selon moi un peu trop réductrice. Conter n’est pas écrire, encore faut-il y croire un peu. Or, Boissau est un iconoclaste : il ne donne jamais à ses inventions la certaine dose de lourdeur et de fatuité qui fait la sauce des graaands écrivains de fantastique. Non, avec le patois de ses personnages, une langue d’oil (non, pas celle qu’on parle en Irak) savoureuse et inventive, ses mondes qui se cassent la gueule et ses méchants qui ne se prennent pas au sérieux, il reste résolument dans le registre fantaisiste. A Marseille, on dirait même franchement callu.

Tout cela en résumé fait une bonne découverte, un plaisir honnête et sain, parfois poétique, toujours ludique. A conseiller pour les nuits d’hiver qui sont de plus en plus chaudes.

PS : comme il me faut toujours un temps de réaction, je viens enfin de comprendre pourquoi je trouvais un air connu à la maquette du bouquin. En fait, c’est la reprise de la bonne vieille collection de Fleuve Noir, riche en nanars et autres nanans. Ouais, sauf que là, ça s’appelle Rivière blanche (york, york, le potentiel créatif des éditeurs me surprendra toujours). Et surtout, surtout, et ça je crois, c’est plutôt une première, c’est une maison d’édition américaine qui fabrique ses livres en Angleterre. Ca doit être encore un coup de Bush.

Eric Boissau, Le pouvoir des maux, Couverture : Patrick DUMAS, Editions Black Coat Press, 248 p.

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