Mémoire double (La)

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Il s’agit d’un roman dont la première parution date de 1984, mais que je n’ai lu que sous la présente forme, remis à jour. L’idée de base, déjà utilisée avant le roman des frères Bogdanov, n’était pas encore devenue courante. Que les personnages d’un roman s’aperçoivent qu’ils ne sont pas réels, mais seulement des programmes plongés dans un environnement virtuel (on l’avait déjà vu dans Simulacron 3 de Daniel F Galouye), ou que la mémoire, voire l’esprit, d’un mort ait pu être téléchargé dans un réseau informatique, ce sont des idées qu’on trouve dans les derniers romans de la série des Heechees, de Frederic Phol (peut-être postérieurs à la première parution de La Mémoire double), et sans doute des romans antérieurs.
Ce qui ne rend pas pour autant ce roman inintéressant, il mérite d’être intégré à un courant qui existait au moment de sa parution.

Donc le héros de ce roman, un ouvrier paysan français, va découvrir peu à peu, avec le lecteur, que le monde dans lequel il « vit » n’est pas « le monde réel » et que se cache dans sa mémoire un secret qui peut mettre en cause la paix de celui-ci et sa propre existence. Comment il va découvrir ce secret et comment il va « sauver le monde » (et son propre monde virtuel par la même occasion), c’est ce que nous saurons en lisant le roman. Et en appréciant au passage la description d’un mode de vie paysan aujourd’hui disparu décrit avec talent...

Bien sûr il faut aussi faire la part de ce qui, dans ce roman, même un peu remis à jour, est daté. La description de la vie paysanne est une chose que le lecteur devrait plutôt apprécier. L’idée de l’ordinateur géant consacré à la seule tâche du héros et de lui faire retrouver dans sa mémoire le code que désirent percer les Soviétiques est aussi une idée ancienne, plus ou moins démodée. Et, surtout, le cadre sous-jacent, celui de la Guerre Froide, n’a pas survécu au 20° siècle. Le roman a donc un certain charme lié à toutes ses images surannées et doit être lu comme une sorte d’« atomepunk », de promenade nostalgique dans l’imaginaire de la fin d’un siècle disparu, le vingtième à la place du dix-neuvième habituel des romans « steampunk ».

Cela donne, finalement, un roman agréable à lire et, finalement, sans prétention.

En préface, les frères Bogdanov nous racontent qu’une major américaine envisageait d’adapter le roman et y aurait renoncé en prétextant la difficulté de réaliser les effets spéciaux nécessaires. Quels effets spéciaux ? Toute l’histoire me paraît aisément jouable en décors « naturels » avec juste quelques images brouillées pour symboliser les sautes du programme qui vont permettre au héros, qui a été informaticien dans sa vie réelle, de découvrir la vérité. Bien sûr, je ne suis pas cinéaste, mais quand même... Si, comme le prétendent les auteurs, le scénario avorté qui aurait été envisagé en 1995 a participé à la réflexion qui a amené les frères Wachowski à imaginer Matrix, la question des effets spéciaux s’est posée pour leur film de façon bien plus réelle qu’elle ne se serait posée pour une adaptation de La mémoire double. La réclamation des frères Bogdanov n’est peut-être pas totalement infondée mais j’aimerais bien savoir à quoi pouvait ressembler le projet avorté auquel ils font allusion...
Le point d’achoppement, ce qui pouvait ne plus passer en 1995, n’était-ce pas plutôt le cadre « Guerre froide » ?

La Mémoire double par Igor et Grichka Bogdanov, Livre de Poche, 2012, 479 p., couverture de Cédric Scandella, 7€60, ISBN 978-2-253-16273-5

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