Canisse

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Olivier Bleys est un écrivain de littérature générale déjà consacré, auteur de 17 ouvrages, publié chez Gallimard, lauréat de plusieurs prix prestigieux. Il écrit avec Canisse son premier roman de science-fiction.

Tout le problème de ce livre est là : faut-il y voir avant tout un livre de SF pure et simple, et le juger comme tel, ou faut-il l’aborder comme le premier livre de SF écrit par un auteur de ’mainstream’, sans doute peu familier avec l’univers particulier de ce genre ? Voyons l’histoire tout d’abord, car un bon roman consiste d’abord en une bonne histoire, comme chacun sait.

Xhan, de l’illustre confrérie des Gardes-Pêche de l’Unité (un empire galactique) est à la retraite. Il a combattu sa vie durant les braconniers sur les planètes les plus lointaines, et aspire au repos d’autant plus qu’il est sous la menace d’un cancer foudroyant. Un beau soir, il est abordé par un étrange particulier, qui lui parle d’un poisson gigantesque (plus de 100 km de longueur !) : il ne résiste pas, et le suit sur Canisse, planète de l’Outre-Monde bien loin des sentiers canalisés de l’Unité. Commence alors une aventure quasi-spirituelle digne de Moby Dick, l’aspect « chasse » en moins, car Xhan n’est qu’un curieux fasciné, et non un prédateur. Canisse est une planète-océan, un peu comme dans ’Waterworld’ ou ’Deltas’ d’Alain le Bussy. Des îlots s’y forment, rapidement engloutis puis réapparaissent un peu plus loin. Dans ces archipels à géométrie variable, Xhan se débat avec des braconniers farouches (ses pires ennemis dans sa carrière antérieure), et des indigènes néanderthaliens, chez qui couve la révolte contre les ’colonisateurs’ que sont ces touristes-pêcheurs de monstres extraterrestres. Il réussira enfin à voir son fameux « Megatholos », mais...à quel prix : tout son parcours avait-il été prémédité ? Et dans quel but ? Voilà pour l’intrigue.

Le lecteur d’Olivier Bleys, qui le connait et le suit, s’interrogera sans doute sur le pourquoi du choix de la science-fiction. Sans trop s’étonner cependant, sachant que l’auteur passe volontiers d’un genre à l’autre : pourquoi pas la SF ? Bleys est un fou de voyage et de haute technologie, un passionné de Jules Verne ou de Loti, assouvissant ainsi sa francophonie réclamée. Ecrire de la SF paraissait assez évident. Ce roman, qui évoque un univers digne de Jack Vance, autre conteur de merveilles exotiques, ne pourra donc que les ravir et – qui sait – les convertir à la science-fiction, arguant d’une caution évidente de leur écrivain favori. Quant aux amateurs de SF eux-mêmes, ils liront l’ouvrage avec un oeil différent (mais de Magatholos aussi ;-)), bien sûr. Ils admireront la construction d’une trame fournie, et le style haletant d’un bâtisseur de mondes. Ils aimeront aussi les détails pittoresques tels ces ’coquillons explosifs’, genre de mollusques qui vous sautent au visage si vous ratez la section du bon muscle, les cristaux célestes qui permettent l’arrivée d’astronefs sur Canisse mais empêchent leur départ, ou le combat homérique des braconniers contre le Léviathan des mers, digne de Victor Hugo, ainsi que la curieuse symbiose que ce monstre vit avec les autochtones.

Voilà donc un superbe roman qui pourrait bien enchanter les deux publics, et raviver l’entente entre la littérature générale et celle de l’Imaginaire. On peut rêver... : ce serait mon plus cher souhait.

Olivier BLEYS, Canisse, 206 p., Gallimard Folio SF

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