BERNIER Monique 01

Auteur / Scénariste: 

Petite présentation à nos lecteurs : qui êtes-vous ?

Réponse difficile. J’ai l’impression d’être plusieurs. Je n’ai plus vingt ans et c’est comme si j’avais eu plusieurs vies. J’en ai notamment eu une au Rwanda qui a commencé par être la plus belle possible avant de devenir un enfer en avril 1994.

Je pense que beaucoup de choses chez moi tournent autour de ce vécu terrible du début du génocide. Un événement tellement monstrueux mais tellement humain à la fois. Il remet tout en question et vous rend définitivement inapte à l’optimisme.

 

Comment en êtes-vous venue à l’écriture ?

J’ai toujours aimé écrire. À l’école, j’adorais les rédactions et les dissertations, mais c’est après mon expérience au Rwanda que je me suis mise à écrire de façon assidue. J’ai eu besoin de mettre sur papier le plus précisément possible ce que j’avais vu et vécu, à la fois pour ne pas oublier mais aussi pour ne plus y penser. Une sorte de thérapie qui, en plus, avait trouvé un éditeur chez Les Éperonniers.

 

Comment écrivez-vous ? Avec acharnement ? Avec de la musique ?

J’écris régulièrement. Tous les matins, dans le silence. Oui, c’est presque de l’acharnement. Je commence par relire et retravailler ce que j’ai écrit la veille et puis je continue le récit. L’après-midi, c’est plus difficile, je ne sais pas pourquoi. Mais ça m’arrive aussi.

 

Quelles sont vos autres passions ?

Le soleil et la mer avec un bon bouquin.

J’aime beaucoup le cinéma aussi.

 

Pourquoi l’écriture ? Quel est, selon vous, le rôle de l’auteur dans notre société ?

Un rôle de distraction d’abord. Permettre de plonger dans l’imaginaire est très important. Les enfants, les adultes ont toujours aimé qu’on leur raconte de belles histoires. C’est comme un voyage que l’on fait dans un monde à découvrir. Et si l’histoire est bien écrite et qu’elle nous apprend des choses, c’est encore mieux.

Je dirais donc en deuxième lieu que la littérature nous en apprend sur nous-mêmes et sur le monde.

 

Quel est votre auteur préféré ? Et votre livre fétiche ?

Je n’ai pas vraiment d’auteur préféré. Mes envies de lecture changent en fonction de mes humeurs. Je peux par contre avoir un coup de foudre pour un roman, comme le dernier roman d’Eva Kavian, L’homme que les chiens aimaient, qui a provoqué un choc chez moi, tellement je le trouvais riche sur beaucoup de points. Il nous parle de la préhistoire, nous plonge dans le début de l’humanité avec les premiers sentiments, les premiers liens sociaux et tout cela est dit dans une énorme blague. On rit du début à la fin.

Sinon, j’aime beaucoup Philippe Djiann et à une époque, j’ai lu beaucoup de Georges Simenon.

 

Qui sont vos héros dans la vie réelle ?

Il y a eu le Che qui en plus d’être héroïque était beau, mais il est mort depuis longtemps. Aujourd’hui, il n’y a pas de héros, cela manque cruellement. Un vrai héros qui se battrait pour une cause, par générosité, contre l’ordre établi pour le bien de tous... Je n’en vois pas. Ceux qui se croient « héros » d’aujourd’hui se vautrent dans les téléréalités et courent après l’argent. Il y a bien sûr les héros de la vie quotidienne, qui luttent pour s’en sortir, qui luttent pour leur famille, leur territoire, leur pain et qui restent dans l’anonymat. C’est peut-être eux les héros d’aujourd’hui, ceux qui essayent simplement de ne pas se faire écraser, de garder la tête hors de l’eau.

 

« La magie du frangipanier » est un livre qui parle de violence, surtout envers la femme. Est-ce un de vos combats ou le hasard d’une idée d’histoire ?

Ce serait plutôt le hasard de mon histoire. Je n’avais pas en tête le combat féministe en tant que tel. La violence touche tout le monde. Le problème, c’est l’arrogance de certains qui se croient autorisés à en user pour n’importe quelle raison : parce que vous êtes une femme, parce que vous êtes Noir, parce que vous êtes arabes ou SDF, généralement parce que vous êtes plus faible ou dans une position de faiblesse. Il y a des millions de raisons à la violence.

Ce qui m’intéressait surtout c’était l’« après ». Sept ans après cet acte d’une grande sauvagerie, que va-t-il se passer quand bourreau et victime se rencontreront ?

Moi-même, en commençant d’écrire le roman, je n’étais pas certaine de la réaction qu’allaient avoir les personnages.

 

Quel message voulez-vous faire passer avec votre récit ?

Aucun message en particulier.

Ce que j’aime, c’est intéresser le lecteur à mon histoire, l’imaginer se poser des questions et, par exemple, se demander : « Et moi, qu’aurais-je fait ? ».

 

Pensez-vous qu’on finit toujours par reprendre le dessus, même après un traumatisme comme un viol ou le génocide rwandais qui est en sous trame du livre ?

Non, je peux très bien percevoir des situations où la personne ne s’en sort pas, quand elle ne parvient pas à dépasser le stade de « victime », elle continue alors à se sentir coupable et honteuse, quand elle ne parvient pas à retrouver son identité, sa fierté.

Je pense que l’on peut sombrer dans la folie ou se suicider.

L’entourage, après un tel drame, est essentiel. Familial, amical et thérapeutique.

 

Quelle est votre scène préférée dans votre livre ?

Il y en a plusieurs mais j’aime beaucoup la relation de Clémence avec son père.

 

Pourquoi le frangipanier ? Ce mot évoque ici surtout la frangipane et les odeurs d’amandes.

Le frangipanier est un arbre très reconnaissable qui vit dans les pays chauds. Sa fleur exhale un parfum très puissant qui ne ressemble pas au parfum des amandes, un parfum unique, difficile à décrire, ce genre de parfum que vous ne pouvez humer qu’en fermant les yeux, que l’on peut sentir, à la bonne saison, à plusieurs mètres de l’arbre.

Il évoque pour moi toute mon enfance en Afrique. Je pense que dans chacun de nos jardins, (nous déménagions souvent), il y avait un frangipanier. En plus, il offre l’avantage pour les enfants que ses branches sont accessibles et que l’on peut facilement y grimper.

 

Y a-t-il quelque chose que vous auriez voulu dire sur votre livre mais que personne ne vous a encore demandé ?

Peut-être souligner le fait que l’action du roman se déroule en moins d’une heure de temps, le temps pour les deux personnages de quitter leur maison et de se rencontrer dans le métro.

 

Last but not least une question classique : vos projets !

En février, si tout va bien, sortie d’un deuxième roman chez Mon Petit Éditeur : Le bruit assourdissant des étoiles.

Un dernier roman est en plein chantier et d’autres en recherche d’éditeur...

 

Critique du livre La magie du frangipanier

Type: 

Ajouter un commentaire