Animaux (Les)

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Niché au fin fond de l’Idaho, au cœur d’une nature sauvage, le refuge de Bill Reed recueille les animaux blessés. Ce dernier y vit parmi les rapaces, les loups, les pumas et même un ours. Connu en ville comme le « sauveur » des bêtes, Bill est un homme à l’existence paisible, qui va bientôt épouser une vétérinaire de la région. Mais le retour inattendu d’un ami d’enfance fraîchement sorti de prison pourrait ternir sa réputation. Rick est en effet le seul à connaître le passé de Bill dont il a partagé la jeunesse violente et délinquante. Pour préserver sa vie, bâtie sur un mensonge, Bill est prêt à tout. Au fur et à mesure que la confrontation entre les deux hommes approche, inéluctable, l’épaisse forêt qui entoure le refuge, jadis rassurante, se fait de plus en plus menaçante… Dans le décor des grands espaces, ce roman noir est une superbe histoire de rédemption, qui marque la naissance d’une nouvelle voix de la littérature américaine.

« Christian Kiefer s’impose comme un maître. Aussi sublime que dévastateur, ce roman est l’essence même de la littérature – la réponse à « pourquoi écrire » et pourquoi lire ». » Kirkus Reviews

 

Né en 1971 à Auburn USA, Christian Kiefer est poète, romancier et musicien. Diplômé en écriture créative de l’Université de Californie du Sud, il enseigne l’anglais au American River College à Sacramento, en Californie. Salué comme l’une des nouvelles voix les plus prometteuses de la littérature américaine contemporaine, il signe avec Les animaux (The Animals, 2015) son deuxième roman après The Infinite Tides (2012). Les animaux est le seul roman disponible en français.Christian Kiefer vit aux pieds de la Sierra Nevada avec sa femme et ses cinq fils.

 

Quelle expérience je viens de vivre ! Me voici avec dans les mains un roman encensé par les critiques et les lecteurs américains, édité dans une collection que j’adore. La pression est énorme. Je me lance et… Oh là là les premières pages provoquent un flot de sentiments. Un orignal blessé par un conducteur de pick-up vit ses derniers instants, sa mort est inéluctable et l’auteur étire le récit sur tout un chapitre. C’est douloureux, difficile mais cela permet (croit-on) de commencer à cerner le personnage principal de Bill Reed, un homme profondément bon, proche de la nature et des animaux, un homme qui vit au fin fond de nulle part et qui consacre sa vie à retaper des vies brisées. Il possède un refuge où se remettent toutes sortes d’espèces sauvages à qui la vie n’a pas fait que des cadeaux. Et nous voilà partis dans un flash-back nous replongeant en 1984 dans la jeunesse de Bill et de son voyou de copain Rick. Ce dernier alcoolique et vulgaire, nanti d’une petite amie tout aussi inélégante, serait-il la cause de tous les tourments de Bill ?

Le roman ne va cesser d’alterner entre cette période sombre de la vie de notre héros et 1996, moment du récit. Nous allons peu à peu apprendre les erreurs, les travers, les fautes inexcusables commises par chacun. Peu à peu nous allons pouvoir dresser un portrait de plus en plus précis de chaque protagoniste et ce qui semblait d’une rare évidence va soudain devenir d’une complexité folle. La complexité même de la vie où rien n’est jamais noir ou blanc.

Ce roman avait tout pour me déplaire. De trop nombreux clichés que l’on retrouve dans tous les récits noirs : de l’argent dû, un usurier en colère qui fait frapper son débiteur et lui urine dessus, une barre de fer qui rencontre les corps et les mutile, une maman malade qui va mourir faute de soins coûteux, une petite amie un peu beaucoup légère, la prison qui rend ultra violent, l’enseigne SHELL qui a perdu son S et devient HELL… Rien ne nous est épargné. Si on ajoute à cela un manque cruel de ce que j’attendais le plus : des descriptions de l’Idaho sauvage sous la neige, un parti pris de ne pas signaler les dialogues qui peut gêner la lecture. Normalement j’aurais pu détester ce livre. C’était sans compter sur la fine analyse du message que l’auteur souhaite faire passer à son lecteur et à lui-même. Ce qui est paradoxal pour un récit au cœur de l’Amérique sauvage, est que ce roman est l’histoire d’un terrible enfermement. Pire d’un encagement permanent.

Les animaux que Bill veut aider sont cloîtrés dans des enclos …

Les représentants de la faune croisés dans sa jeunesse sont des poissons dans un aquarium et un lion tenu en laisse dans le hall d’un casino. Les rares autres sont empaillés.

La star du show télé préféré de Bill et de sa mère est Marlin Patrick qui, lors de ses émissions, pourchasse, soumet et encage des animaux sauvages.

Rick vient de sortir de prison où il a passé une grande partie de sa vie et on constate les dégâts provoqués chez lui.

Toute la narration tourne autour de l’emprisonnement qui contraint celui qui le subit, qui le change radicalement, qui le brise et l’empêche à jamais de recouvrer sa totale liberté, incapable qu’il est de vivre à nouveau hors de sa cage.

L’enfermement de Bill est sa soumission à ses addictions qui l’ont conduit à commettre un acte qu’il ne peut se pardonner et que Rick vient lui rappeler. Il vit l’illusion d’une liberté au milieu des montagnes enneigées de l’Idaho, dans une nouvelle existence à jamais menacée par des erreurs passées.

Ce roman est une réflexion fascinante sur ce que l’on est capable ou pas de faire, sur ce qu’on peut ou pas se pardonner et pardonner à autrui. Sur le changement possible de vie et l’aveuglement qui en découle. Sur notre part animale qui souffre de nos carcans. Une histoire très introspective qui amène à la réflexion et dépasse le simple récit noir.

Ajoutez à cela une belle traduction qui permet de percevoir toute la maîtrise de la langue de l’auteur, une écriture intelligente, cultivée et très actuelle… Je ne peux dire que : foncez, ce livre est une formidable réussite.

 

Les animaux par Christian Kiefer, traduit par Marina Boraso, illustré par David Baker/Gallery Stock, éditeur Albin Michel, collection Terres d’Amérique, 25 €, isbn 978-2-226-31820-6

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