American Gothic

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Le roman gravite autour du destin très accidenté de Daryl Leyland,et de son acolyte Van Doren, qui vont compiler, reprendre et illustrer les Contes de ma mère l'oie, projet qui constituera l'oeuvre de leur vie. La porte d'entrée de ce parcours, c'est l'enquête menée par Jack Sawyer, embauché par la Warner pour filtrer la bio de Leyland en vue d'une adaptation pour le grand écran.

 

Le roman possède (au moins) deux points forts. Tout d'abord, son enfumage systématique sur l'authenticité des personnages et des événements : les faits historiquement avérés se mêlent sans cesse à la fiction, qui se garde bien de se révéler comme telle. Car vous l'avez compris : Leyland n'existe pas ! Pas plus que Van Doren l'illustrateur... Quant à leur version des Contes de ma mère l'oie... Vous pouvez toujours tenter de vous la procurer... Mauméjean ne cherche pas tant à « enfictionner » le réel qu'à « réaliser » la fiction et ça marche. Quand vous mêlez du faux au vrai avec précision, une connaissance profonde de la culture américaine et une bonne dose d'aplomb, le faux devient une hypothèse plus que vraisemblable. L'auteur a poussé le vice jusqu'à entrer Daryl Leyland dans Wikipédia, à l'article Mother Goose !! (Chercher dans « other examples »).

 

L'autre point fort, c'est la structure en patchwork du roman. Rien n'est linéaire dans cet ouvrage. On passe d'un témoignage à un autre, d'un « rapport » de Jack Sawyer à l'analyse d'un prof de fac, des souvenirs d'un ancien pensionnaire du Lincoln Asylum au courrier d'une instit à la retraite, et tutti quanti. Et c'est en se baladant dans cette foire d'échos que se tisse patiemment le profil imaginaire de Leyland. Mauméjean construit ainsi une sorte de monadologie où tous les chapitres expriment un même univers mais d'un point de vue différent. Sauf qu'à la différence de la Monadologie de Leibniz qui nous expliquait que nous étions dans le meilleur des mondes, il s'agit ici d'un monde où les enfants sont violés la nuit dans les foyers ; où la rigidité de la morale se paie de la sourde ultraviolence des mœurs ; où l'image et le show occupent la place que tenait jusque-là le St-Esprit dans la théologie chrétienne, entre l'individu et le sacré ; et où des psychopathes? qui en Europe finiraient sans gloire et sans nom au fond d'un asile, deviennent les héros d'une civilisation en train de se bâtir de l'autre côté de l'océan. On est ici en Amérique. Et Mauméjean, sur le sujet, a bien des fables à nous raconter. Bref. American Gothic est un très bon roman, un tout grand livre qu'on ne peut que recommander.

 

(Ces notes reprennent pour une bonne partie, les propos tenus lors de la conférence de Xavier Mauméjean dans le cadre de Citéphilo 2014, sur le thème : la relation de la littérature de l'Imaginaire à la réalité, www.citephilo.org)

 

American Gothic de Xavier Mauméjean, 2013, édidtions Alma

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