Alice aux pays des merveilles : les effets spéciaux

Un monde fou, fou, fou

A l’instar de Dorothy dans Le Magicien D’Oz, où l’héroïne de l’histoire est également une jeune fille au tempérament rebelle, Alice se sert d’un univers onirique (l’Underland, dans le cas présent) pour affronter ses peurs et ses problèmes, pour explorer un autre monde en compagnie de personnages insolites, pour prendre de grandes décisions et mûrir.

Entre deux mondes

L’aventure d’Alice démarre vraiment à partir du moment où elle chute dans le terrier emprunté par le Lapin Blanc dont l’entrée fut tout spécialement construite dans un tronc d’arbre situé dans les jardins d’Anthony House, une demeure du XVIIIe siècle où la scène des fiançailles a été tournée. Les décors accompagnant sa longue chute, au cours de laquelle elle se heurte à toutes sortes d’objets hétéroclites, ont été créés numériquement. Sa chute s’achève dans la salle des portes, une pièce hors normes comportant 9 murs ainsi que plusieurs portes de différentes tailles.
On construisit, pour l’occasion, 3 salles des portes distinctes, chacune correspondant aux diverses tailles d’Alice : une lorsqu’elle a sa taille normale (1,60 m), une 2ème identique à la précédente mais en version miniature correspondant à Alice devenue géante (2,60 m) après avoir mangé un morceau du gâteau sur lequel est inscrit “Mange-moi”, une 3ème pièce immense avec des objets démesurés correspondant à Alice devenue minuscule (60 cm) après avoir bu le contenu d’une fiole sur laquelle est inscrite la mention “Bois-moi”. Après avoir franchi l’une des portes, Alice pénètre enfin dans l’Underland et se retrouve au beau milieu d’un univers fantastique rempli d’une faune ainsi que d’une flore (jardin, forêt de champignons, bois Touffeté) très étranges, dotées de la parole.

Lorsque Alice se retrouve dans l’Underland, elle change involontairement de taille à plusieurs reprises ce qui nécessitait l’utilisation d’effets visuels les plus réalistes possibles, tant au niveau de ses rapports avec les autres personnages qui l’entourent que de ses vêtements. Sa garde-robe suit donc le mouvement et s’adapte aux nouvelles situations auxquelles elle est confrontée. Du coup, elle se voit souvent contrainte de revêtir ce qui lui tombe sous la main. Plus tard, la Reine Rouge lui fera même confectionner une robe (bien évidemment) rouge dans des rideaux et, lors de la bataille finale (opposant les cartes de cœur de l’armée rouge à celles de l’échiquier de l’armée blanche), elle revêtira une armure de guerrière.

Le Magicien d’Underland

Tim Burton ayant jusqu’alors toujours préféré les plateaux de tournage réels ainsi que l’utilisation de formes d’effets visuels plutôt traditionnelles (maquettes, miniatures, etc.), Alice Au Pays Des Merveilles représentait donc une vraie gageure ainsi qu’un saut dans l’inconnu en passant d’un coup au tout numérique, à l’exception des scènes de début et de fin se déroulant dans le monde réel qui ont été tournées en extérieurs à Cornwell en Angleterre.


Vivant depuis des années sous le joug de la tyrannique Reine Rouge, l’Underland est assez sombre et plutôt lugubre mais reprend, peu à peu, des couleurs avec l’espoir engendré par le retour d’Alice et au fil des évènements positifs qui interviennent progressivement au cours de l’histoire. Tous ses habitants, qu’ils soient humains ou animaux, sont plus ou moins cinglés, allant de la légère loufoquerie jusqu’à des formes de folie nettement plus prononcées.

Pour Tim Burton, une fois Alice arrivée dans l’Underland, elle devait être le seul personnage “réel” (même si sa taille y varie à diverses reprises). Pour toutes les scènes s’y déroulant, il conçut donc une façon inédite et innovante de procéder en mélangeant tout à la fois le tournage en studio sur fond vert avec des acteurs (costumés, maquillés et coiffés de perruques pour l’occasion), la motion capture “traditionnelle” pour une bonne partie des personnages humains et des images de synthèse (décors, flore, faune, créatures fantastiques, personnages bizarres) mais tout en gardant toujours à l’esprit qu’Alice devait interagir avec ces derniers, qu’il s’agisse d’humains ou d’animaux. Il poussa même l’idée jusqu’à créer des personnages hybrides, résultant d’un subtil amalgame entre motion capture et images de synthèse (la Reine Rouge, le Valet de Cœur, les Tweedles). Pour cela, il utilisa une nouvelle caméra numérique haute définition Dalsa à 4000 lignes de résolution pour filmer toutes les séquences où divers éléments changent de taille (comme la tête de la Reine Rouge, le corps des Tweedles ou encore Alice lorsqu’elle mesure 2,50 m) afin de pouvoir modifier un élément d’un plan sans altérer la qualité de l’image de tous les autres éléments qui le composent - ce qui permettait de pouvoir garder les interactions entre les comédiens.


Si certains personnages sont réels, d’autres sont des hybrides créés en mélangeant réel (les visages et leurs expressions) et animation (pour les corps). C’est ainsi que le personnage d’Ilosovic Stayne, le Valet de la Reine Rouge interprété par Crispin Glover, possède la vraie tête de l’acteur mais un corps de 2,30 m de haut qui est un mélange hybride de motion capture et d’images de synthèse. Pour être à la bonne hauteur sur le plateau, Glover portait des échasses ou se tenait sur une plate-forme surélevée, ce qui permettait ainsi à Burton de faire interagir dans un même plan plusieurs personnages de tailles différentes. Pour les jumeaux Tweedledee et Tweedledum, Matt Lucas, qui les interprète tous deux à tour de rôle, portait un costume vert en forme de poire qui permettait de ne voir que son visage à l’image. Son visage a ensuite été placé sur les corps en images de synthèse des Tweedles dont les mouvements étaient calqués sur les siens.

T
outes les scènes se déroulant dans l’Underland ont été tournées sur trois plateaux des studios de Curver City à Los Angeles, entièrement recouverts de vert (sols, murs, plafonds) pour l’occasion, qui sont situés juste en face de chez Sony Imageworks où furent ensuite créés en postproduction les quelques 2.500 plans d’effets visuels que comporte, au final, le film. Chaque plateau à fond vert était équipé de plusieurs caméras de référence ainsi que d’une multitude de marqueurs servant à enregistrer toutes sortes de données. A part de rares éléments de décors présents sur le plateau et quelques morceaux d’adhésifs permettant aux acteurs de diriger leur regard dans la bonne direction ainsi qu’à la bonne hauteur, tout l’univers d’Underland a été créé en images de synthèse en postproduction.

A l’exception des personnages de la Reine Blanche et d’Alice, les personnages réels ont été retouchés par informatique. Certains autres personnages ont entièrement été créés en images de synthèse comme le Lapin Blanc, le Lièvre de Mars, Chess, Mallymkun, l’oiseau Dodo, Absolem, le Jabberwocky ou encore le Bandersnatch. A cela sont venus s’ajouter des effets spécifiques comme le travail sur les textures et la lumière ainsi que la conversion en images 3D Relief.

La Reine des cartes

Iracebeth, plus connue sous le nom de la Reine Rouge, a détrôné sa sœur et fait régner, depuis lors, la terreur dans tout le Royaume avec l’aide de son animal familier, le Jabberwocky. La tyrannique souveraine d’Underland est, en fait, le résultat d’un amalgame entre deux personnages créés par Lewis Carroll : la Reine de Cœur et la Reine Rouge. Elle a de sérieux problèmes émotionnels. Telle une enfant capricieuse qui estime que tout lui est dû, elle réagit au quart de tour à la moindre contrariété et il lui suffit d’un rien pour piquer instantanément une colère noire. Faire trancher systématiquement la tête de ses adversaires est sa réponse à tout et son passe-temps favori consiste à se servir d’un petit cochon comme repose-pieds.

Pour interpréter cette reine de petite taille possédant une tête disproportionnée mais une taille de guêpe, Helena Bonham Carter devait se plier à une longue et fastidieuse séance quotidienne de 3 h de maquillage pour se métamorphoser : une fois ses cheveux lissés, elle devait enfiler un postiche en latex allant de ses paupières à l’arrière de son crâne puis on lui masquait les sourcils afin de donner l’impression qu’elle avait un front plus haut. On lui mettait ensuite une large bande de fard à paupières d’un bleu outrancier puis on lui redessinait de nouveaux sourcils avant de lui poser son énorme perruque de cheveux rouges sur laquelle trônait une minuscule couronne. Lors de la postproduction le volume de sa tête a été retouché par ordinateur pour apparaître à l’écran comme étant 3 fois plus volumineux que dans la réalité mais sans modifier son corps, donnant ainsi au personnage son aspect assez cartoonesque.

Par ailleurs, de nombreux éléments de son costume ont la forme d’un cœur rouge sang (graphisme inspiré des cartes à jouer) : la forme de sa perruque, son rouge à lèvres qui ne recouvre que le milieu de ses lèvres, les motifs décoratifs brodés sur le devant de sa robe, les dessins qui ornent les semelles de ses chaussures, etc.).

L’homme aux yeux clairs


Le Chapelier Fou était jadis le chapelier de la Reine Blanche et exerçait son métier avec beaucoup de fierté. Traumatisé par la perte de sa famille qui a été massacrée par le Jabberwocky, envoyé par la Reine Rouge pour tuer les Cavaliers Blancs, il n’a plus vraiment toute sa raison. Ses caractéristiques physiques et ses sautes d’humeur intempestives sont le résultat d’un empoisonnement au mercure, dû à l’utilisation répétée d’une colle spéciale intervenant dans la fabrication des chapeaux. Les outils de sa profession (dés à coudre, pelotes d’épingle, bobines de fil, rubans, …) font partie intégrante de son costume.

Il éprouve une sincère affection pour Alice (celle qui selon la prophétie tuera le Jabberwocky, le jour Frabieux, mettant ainsi un terme au règne sanglant de la Reine Rouge) et attendait avec impatience son retour. C’est un homme hypersensible dont les sentiments, littéralement à “fleur de peau”, transparaissent de tout son être : quand il est heureux, tout devient brillant et plein de vie comme une fleur qui s’épanouit. Au contraire quand il est malheureux, il semble se faner et tout devient plus sombre ce qui lui donne des allures de clown tantôt triste, tantôt joyeux.


Pour Burton, tout chez le Chapelier Fou devait traduire ses émotions (ses habits, la couleur de sa peau, ses cheveux…). Il a le visage recouvert d’un maquillage théâtral très blanc qui lui donne un teint livide tandis que sa peau semble diaphane, ses cheveux hirsutes (Depp portait une perruque fabriquée en poils de yak) ainsi que ses sourcils très fournis sont de couleur orange vif et ses doigts sont également tachetés d’orange. Quant à ses yeux, ils sont d’un vert émeraude brillant et fardés à l’extrême. Ses yeux ont ensuite été légèrement modifiés numériquement en postproduction pour les rendre plus larges, lui donner un léger strabisme et donner à la couleur verte des lentilles de contact que Depp portaient pendant le tournage une teinte encore plus électrique. Par ailleurs, on a fait de subtiles modifications (juste assez discrètes pour être perceptibles) afin d’accompagner ses moult changements d’humeur qui se répercutent à la fois sur la teinte de sa peau et sur son costume qui a plus ou moins d’éclat ainsi que sur son nœud papillon qui remonte ou redescend au gré de son humeur. Ses divers changements de personnalité se font également sentir au travers de sa façon de s’exprimer, Depp utilisant alors des accents différents qui variaient suivant l’humeur occasionnelle de son personnage (joie, peur, colère, …).

La sortie en salle de l’adaptation cinématographique très personnelle de Tim Burton des deux romans de Lewis Carroll a aussi été l’occasion de faire paraître divers ouvrages autour de ce même sujet. Les fans inconditionnels du réalisateur pourront ainsi tout à loisirs se replonger dans l’album illustré (paru chez Hachette Jeunesse – Collection Disney) dont le texte est tiré du scénario du film écrit par Linda Woolverton ou encore découvrir les coulisses du film avec le livre du film (paru aux Editions du Chêne) richement illustré.

La critique ici !

Sections: 
Type: