ANGE 01

Auteur / Scénariste: 

Dites-nous quelque chose à votre propos ? Qui êtes-vous

Mon nom d’auteur est « Ange ». Ange, c’est deux personnes, Anne et Gérard. Les deux premières lettres sont celles de « Anne » et les deux dernières sont celles de « Gérard ». Nous sommes scénaristes de BD, auteurs de romans, dans le style Imaginaire en général mais d’autres choses également. Nous nous considérons comme des conteurs : on a une histoire dans la tête et après, on la donne aux médias s’ils veulent l’adapter. Cela dit, on est plus connus en tant que scénaristes de BD.


Comment en êtes-vous venu à l’écriture ?

Ce n’est déjà pas la même réponse pour Gérard et pour moi. En ce qui me concerne, c’était à la fac de droit où je m’ennuyais profondément. Je faisais des jeux de rôles et on a très vite eu l’occasion, avec Gérard, d’écrire des jeux de rôles en BD, je ne suis jamais passée par la case « vrai métier ». Gérard et moi, on a assez vite gagné notre vie peu, mal et difficilement mais pour, justement, ne pas faire d’autre métier.A quel âge avez-vous commencé à écrire ? J’ai toujours écrit, je n’ai fait que ça à partir de mes 18-19 ans.

Vous souvenez-vous encore de vos premiers textes ? Que sont-ils devenus ?

Techniquement, ça a d’abord été un livre dont vous êtes le héros qui n’est jamais sorti, ensuite ça a été de la BD et puis, seulement, on est passé aux jeux de rôles pour revenir à la BD un peu plus tard.

Quant à la littérature, on ne faisait pas seulement des règles de scénario mais écrivions également des nouvelles pour illustrer les univers des jeux de rôles. Pour les nouvelles, on avait vraiment toutes les versions, ça pouvait être un film triste, un film de polar noir, un conte. Etre payée pour ça et avoir 19 ans, ce n’est pas à la portée de tout le monde. On a donc eu une opportunité qui était très importante à l’époque. Y a d’autres auteurs qui ont fait le même parcours que nous.

Pourquoi l’écriture ? Quel est, selon vous, le rôle de l’auteur dans notre société ?

Moi, je ne savais pas trop ce que je voulais faire plus tard. Le seul métier qui me plaisait, c’était celui de prof de français. Si je reviens en arrière, c’est parce que j’avais des histoires dans ma tête, et j’ai commencer avec frénésie à faire mes bouquins d’histoires.


Je pense qu’écrire a été une opportunité mais c’est plus que ça : je ne peux pas dire que c’était une envie parce qu’à l’époque, il y a 22 ans, il n’y avait pas d’auteur qui venait comme ça nous parler. Donc, pour moi, un auteur est un corps mort. Pour parler d’envie, il faut savoir ce que l’on veut. Or, moi, je ne savais pas mais, par contre, je sais maintenant avec le recul que je passais mon temps à inventer des histoires.

Vous travaillez dans différents domaines : littérature adulte, littérature jeunesse, BD, traduction. Des manières différentes d’appréhender ces différents supports ?

De la traduction, on n’en fait plus maintenant.

La BD, c’est une écriture cinématographique, c’est-à-dire qu’on pense en ellipses, en cuts, en plans, en gros plans avec des images figées. C’est purement du dialogue.

Pour les romans, bien qu’ils soient très importants, les dialogues sont moins importants que la BD. Dans le roman, on a une plus grande liberté parce que la BD, c’est 46 pages, en moyenne 9 cases par planche, et 46x9, ce n’est pas beaucoup. L’histoire que l’on raconte est assez brève, surtout qu’on ne peut pas mettre trop de dialogues dans la case parce sinon, il n’y a plus de place pour le dessin et on ne peut pas déborder, ce qui signifie que si je n’ai pas fini mon histoire dans les cases prévues, on ne va pas rajouter une case de plus. C’est très carré, très structuré et quand le dessinateur a fini sa page, il ne peut pas revenir en arrière. Si le dessinateur lui-même a fait une erreur, il peut bien sûr modifier mais, par exemple, si moi je décide finalement qu’en page 3, ce n’est pas ce qu’il fallait, je ne peux pas lui faire changer ou alors, je dois payer de ma poche le temps qu’il a passé dessus. Le roman, c’est beaucoup plus libre ; je peux revenir 20 fois sur mon début et apporter tous les changements que je veux à chaque relecture, je peux ajouter ou retirer des pages. Je trouve que ce n’est pas du tout équitable parce qu’on doit compter sur les créateurs pour faire une très belle usine.

La difficulté d’écrire un roman ?

La difficulté de ne pas partager le roman avec un illustrateur. Sinon comme pour tout auteur, il y a l’angoisse de la page blanche, l’impression qu’on ne pourra jamais, qu’on n’est pas prêt. Les peurs de tout auteur de roman. J’ai vraiment l’angoisse de la page blanche. Les romans, c’est très dur pour moi, je ne dors pas, j’en rêve mais je pense que c’est le cas pour beaucoup d’auteurs.

Comment travaillez-vous ?

Je me laisse porter, je ne travaille pas avec des plans ou des chapitres. En général, je mets le début, la fin, quelques scènes-clé et le voyage des personnages (par où je vais les faire passer psychologiquement). Chez moi, ce sont vraiment les personnages qui sont mis en avant ; c’est mon univers. Comme je me laisse porter, je peux très bien créer des personnages secondaires qui n’étaient pas prévus. Il y en a qui disent qu’il ne faut pas faire de synopsis parce que le synopsis rend les choses prévisibles et tout ce qui aura été prédit, le lecteur l’aura prédit aussi. Je me lance et je me surprends moi-même chaque fois que j’écris parce que je ne sais absolument pas ce que je vais faire après.

Vous avez commencé à publier sous le nom de G. Eltan Ranne dans les années ’90. Pourquoi ce pseudo et pourquoi en avoir changé ? Y a-t-il une forme de provocation avec un pseudo pareil dans le monde de la fantasy ?

C’était G.E. Ranne. On en a changé parce que c’était nul. C’était l’association des prénoms Gérard et Anne. C’est un peu comme « Ange » mais à l’envers. Notre éditeur chez « Vent d’ouest » nous a trouvé « Ange ». Et en plus, il y a une signification ; l’ange n’a pas de sexe et comme nous sommes deux auteurs de sexe différent, ça nous correspondait pas mal. Il y avait également le fait que nous avions commencé par un jeu de rôles qui s’appelait « Magna Veritas » et qui parlait d’anges et de démons et cette participation a vraiment lancé notre carrière.

Chacun de ces supports vous apportent-ils quelque chose en tant qu’écrivain, en tant que personne ?

Cela m’apporte de ne pas trop m’ennuyer, cela m’apporte également de ne pas trop paniquer parce que si on gère plusieurs projets en même temps, si je panique sur un projet. Je suis quelqu’un qui, je crois, même si je ne me suis pas faite diagnostiquer, ai le syndrome d’hyperactivité créative, non pas que ça me rende hyperactive mais le problème est que je n’arrive pas toujours à fixer mon attention.

_ J’ai lu quelques bouquins sur le sujet après qu’un ami qui s’est fait diagnostiqué m’ait dit que ça correspondait un peu à ça. J’ai de gros problèmes de concentration et les gens qui ont ce genre de problème, surtout dans un même métier, passent d’une chose à l’autre. Moi, dans une journée, je fais plein de projets différents : j’ai même parfois du mal à tenir 20 minutes sur une même chose.

Vous écrivez à deux, comment vous répartissez-vous le travail ?

On ne fonctionne pas de la même manière sur chaque projet ; il n’y a donc pas de réponse évidente. La plupart du temps, c’est un peu un mille-feuille, c’est-à-dire que, par exemple, Gérard a une idée, je retravaille dessus, puis il retravaille dessus et ainsi de suite. En général, c’est lui qui a eu une idée au départ. On se fait beaucoup de déjeuners de travail et , en général, l’un de nous dit « OK, je le prends » et part avec.

C’est beaucoup de discussions, beaucoup de travail sur une idée.

Et s’il y a un problème, Gérard a, en général, des conseils très justes : l’un de ses conseils les plus amusants, c’est « Va chercher une bière ».

Moi, j’ai tendance à parler. En même temps, j’ai envie d’écrire de l’épique, c’est pour ça que je ne suis pas un écrivain de littérature générale. Moi, ce qui me faisait rêver, c’était Zola, « Le seigneur des anneaux » qui sont de grands récits mais qui ont également autre chose comme du meurtre, de la grandeur sociale. J’aime également les chevaliers de la table ronde, les poèmes qu’écrit Victor Hugo. Même si ce sont les personnages qui m’intéressent, je n’ai pas envie d’écrire sur eux dans leur appartement mais plutôt dans un contexte où seraient confrontés leurs problèmes psychologiques et un problème de civilisation (une guerre, un changement de société, la religion). Alors, je pars de mes personnages pour construire mon scénario mais, à un moment, j’arrive à un point où j’ai besoin d’air et où je voudrais plus de décors,… et là, j’appelle Gérard et Gérard arrive et dit « Rajoute une bière ».

Les rêves semblent jouer un rôle important chez vous. Pouvez-vous nous expliquer comment ?

Je ne sais pas. C’est vrai que je rêve beaucoup et parfois, je me réveille, en me disant « Ah, c’est ça ! ».

Pour notre dernière trilogie de romans qui s’appelle « Aicha », la première scène, c’est vraiment ça. Je me rappelle que dans mon rêve, il y avait un homme qui était attaché à un bateau et le rêve commençait au moment où le bateau quittait le quai et dans mon rêve, j’ai regardé la surface s’éloigner et à travers cette surface, je voyais le paradis, ce monde calme, enchanteur, ce ciel bleu, ces impressions de délice… Et l’homme partait dans l’eau, savait qu’il allait mourir et qu’il y avait le calme derrière. En me réveillant, j’avais les odeurs, les couleurs.

Evidemment, s’il mourait, le roman allait être assez bref ; donc il survit !

Je suis montée comme un escargot : je suis partie de ce point-là et, comme un escargot, je suis remontée en me disant : « Pourquoi la personne qui l’a sauvé était là » ; « Pourquoi, lui, était là ? », « Si on est dans cette situation, ça veut dire qu’il y a telle intrigue », etc. et j’ai travaillé en spirale, en partant du centre de la spirale pour ensuite remonter.

Avez-vous déjà songé à travailler séparément ?

Oui, mais j’ai pas le droit de vous le dire parce qu’on travaille toujours sous le nom de « Ange ».

Quel est votre auteur de l’Imaginaire préféré ?

Dumas

Quel est votre auteur de littérature générale préféré ?

Balzac

Quel est votre roman de l’Imaginaire préféré ?

« Le seigneur des anneaux ».

Quel est votre roman hors Imaginaire préféré ?

« Jane Eyre », parce que ça correspond bien à ce que j’aime faire.

On a quelques rares personnages et à travers une conversation d’histoire d’amour d’une jeune fille perdue dans le désert au 19ème siècle, on a une peinture psychologique de la femme, du rôle de la femme, de l’amour, de l’amitié entre les êtres humains et de tous les changements de la notion de l’individu en Angleterre à cette époque et tout ça. L’idée de prendre quelque chose de pas très important comme une anecdote et d’en faire le sujet et c’est très bien appliqué ici.

Quel est votre film de l’Imaginaire préféré ?

« Crimes et dépendances ». Voir quelque chose qui est le reflet de toutes une série d’événements qui touche une société.

Quel est votre film hors Imaginaire préféré ?

Généralement, les films indépendants , si ce ne sont pas de l’imaginaire, ce sont des vieux films. J’apprécie Mankevicz , « Autant en emporte le vent ». C’est un mélange de genres, de dramatique, d’humour, …

Qu’est-ce qui vous énerve ?

Les gens négatives et pessimistes… les « Oh c’est pas la peine » !

Outre l’écriture, quels sont vos hobbies ?

Les discussions politiques, l’histoire, la lecture, les feuilletons. J’aime bien aller à des conférences sur la préhistoire. Je pense que mon vrai hobby, c’est de voir un copain, autour d’un bon dîner, avec une bonne bouteille de vin et d’avoir une discussion intéressante. Mon sujet de conversation préféré est la politique, mais pas de la politique au sens « votez pour machin ou bidule » mais plutôt de traiter de psychologie, d’histoire, des gens, de la manière dont les esprits évoluent. Par exemple, entendre quelqu’un de très catholique parler à une personne athée et essayer de comprendre pourquoi chacun pense ce qu’il pense.

Quel est le don que vous regrettez de ne pas avoir ?

Vous allez rire mais l’écriture facile.

Quel est votre rêve de bonheur ?

C’est quoi le bonheur ?

Par quoi êtes-vous fascinée ?

Par les gens qui montent des projets, des entreprises, qui connaissent tout le monde, qui arrivent à avoir des financements etc. Des hommes organisés, des meneurs d’hommes.

Vos héros dans la vie réelle ?

Tous mes amis sont des héros parce que je les admire et admire leur manière de vivre. Sinon, il n’y a pas de figure publique que j’admire tout particulièrement ou alors, je les admire tous de manière générale. Je vais admirer quelqu’un parce qu’il va croire en quelque chose et se battre pour y arriver, que ce soit un homme politique, un chef d’entreprise…


Si vous rencontriez le génie de la lampe, quels vœux formuleriez-vous ? (3)

Je suppose que c’est trop facile de faire des vœux comme « la paix dans le monde », « que tout le monde soit heureux ».

- Comme je suis mère de deux enfants, mon vœu serait qu’ils soient heureux, tous les deux

- Avoir un grand bel appartement

- Que les gens que j’aime continuent à être intéressants

Citez-nous 5 choses qui vous plaisent.

- le café

- un beau garçon

- un bon dîner avec des amis et une bonne conversation

- un beau ciel

- un moelleux au chocolat avec une boule de glace à vanille

Cinq choses qui vous déplaisent

- Comme je disais tout à l’heure, les gens qui disent « On ne peut pas, ce n’est pas la peine d’essayer »

- les gens qui se plaignent

- ...

Last but not least une question classique : vos projets ?

On a plusieurs projets en cours en BD. Finir la trilogie pour Bragelonne.

On a deux nouvelles série s ; on va donc créer ça et une série de type fantaisiste avec Thierry Desmarais qui aura un personnage récurrent et des personnages secondaires.

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