Siegfried T1 et T2
Il y a bien longtemps qu’une bd ne m’avait pas autant transporté. Certes, le récit est connu, même très connu. Les Valkyries, l’opéra de Wagner, Odin, les Nibelungen, l’anneau, l’or et Fafnir, tout ça, beaucoup connaissent. Sauf qu’ici, le récit se concentre sur un homme, Siegfried. Un jeune garçon touchant et intriguant qui devra relever le plus grand des défis, devenir un homme.
Petit rappel pour ceux qui ne connaîtraient pas encore cet univers. Pour les autres, vous pouvez passer directement au paragraphe suivant. Alors voilà. Depuis très longtemps, le dieu Odin règne en maître sur les Cieux et sur la Terre. Avant lui, existaient les géants. Mais Odin les a réduits au silence. Dès lors, tout ce qui vit est le fruit de son désir. Il peut ainsi jouer avec la destinée des Hommes et il possède tout pouvoir de vie ou de mort. Il existe cependant une chose qu’il ne contrôle pas, l’Or. Car qui possède l’Or possède le Pouvoir Absolu. Mais ce pouvoir a un prix, l’Or est jaloux et qui s’en empare doit renoncer à l’Amour. Odin décide alors de plonger l’Or dans le plus profond des fleuves et de le faire garder par la première de ses filles.
Le temps passe. Un habitant du dessous, un Nibelungen prénommé Fafnir, s’éprend de la déesse. Elle le repousse sans cesse jusqu’au jour où un humain s’arrête au bord du fleuve et qu’elle tombe amoureuse de l’individu. Ivre de jalousie, Fafnir vole l’Or et abuse de son pouvoir pour régner en tyran sur le monde des Nibelungen. Un tyran qui offre luxure, orgies, fêtes, opulence, mais pas l’Amour. Fafnir se lasse, il brûle tout et se retranche du monde. Plongé dans un long sommeil, il devient un dragon gigantesque, emprunt d’une colère si puissante qu’elle menace d’anéantir le monde si Fafnir se réveille.
Odin doit donc trouver un adversaire capable d’affronter le dragon Fafnir. Cet individu, ce sera Siegfried, l’enfant demi-dieu né de l’amour de sa fille Valkyrie et d’un humain. Siegfried est élevé par Mime, le Nibelungen qui emprisonna l’Or dans un anneau et l’offrit à Fafnir. Avec Mime, l’enfant grandira loin du monde, au cœur de la Grande Forêt. Il forgera son caractère au contact des loups, faisant de lui un être sauvage et prêt à affronter la nature hostile du monde qui l’entoure. Siegfried devient alors un jeune homme fort et rusé. Son désir de rencontrer Les Hommes le poussera à traverser la Forêt, affronter la sorcière des marais et faire face aux géants.
La destinée hors du commun de Siegfried le rend attirant et passionnant. Mais c’est surtout son humanité qui me fait l’apprécier. Une humanité aux multiples facettes, qui me rattache avec cette jeunesse qui a parcouru mes veines et m’a déjà échappé quelque peu. Mais aussi et heureusement, une jeunesse qui continue de vivre en moi, une jeunesse à laquelle je me reconnecte le plus souvent pour ne pas finir aigri.
Prenons exemple des premiers pas de Siegfried dans la Grande Forêt.
Tout commence avec son éducation auprès des loups. Encore enfant, il joue avec eux dans la neige, il sillonne la forêt sans crainte et gagne en force et en ruse. Mais un jour, alors qu’il est devenu grand, Siegfried croise le chef de meute, un loup noir, jaloux et cruel. Ce dernier tuera le loup ami de Siegfried. La meute entière, effrayée, dominée, ne fera rien pour protéger la pauvre bête. Siegfried défiera seul le loup noir et vaincra. D’un regard dur, il rendra à la meute à la fois sa liberté, à la fois son jugement sur ce qu’il pense de leur lâcheté.
Ce passage m’a rappelé mon adolescence et mes prises de conscience sur la noirceur du monde. J’en ai oublié la couleur, les belles choses et je me suis attaché à ce mal être que connaît Siegfried. C’est à cet instant aussi, que j’ai choisi de partir, de bouger pour voir ailleurs ce que m’offre le monde. Si la Forêt n’apporte que haine et colère, Siegfried trouvera peut-être quelque chose de meilleur dans le monde des Hommes ? J’ai trouvé des réponses et surtout celle qui dit que « S’il existe noirceur et lumière, bien des nuances reflètent cette vaste Terre ». Siegfried n’en est pas encore arrivé là. Pour l’instant, il se berce d’idéaux et de rêves. Il vit son insouciance.
C’est là encore que j’accroche vraiment au personnage. Comme il ne connaît que lumière et noirceur, il fait des choix tranchés, il opte pour le Bien et il se lance dans la bataille contre le Mal sans hésiter. Je ne dis pas qu’il faut se lancer dans toutes sortes de guerres imbéciles. Je dis juste qu’il est bon d’avancer dans la vie quand on a un idéal. Et lorsque cet Idéal s’avère trop obscur, alors il est bon de vieillir et d’apprendre de ses erreurs.
Titre : Siegfried – tomes 1 et 2
Scénario et dessins : ALICE Alex
Editeur : Dargaud
Parution : 2009