Autre île (L')

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Voici un carnet de voyage : l’histoire du double séjour de l’auteur sur une île issue de nulle part ou de son imagination.

Une île où pour respecter l’évolution des choses, rien ou presque n’a de nom. Les gens habitent, au gré de leur pérégrinations, les maisons laissées vides.

Une île où les parfums sont les seuls repères temporaux : en coulant sur des huiles parfumées hydrosolubles, les ruisseaux multiples, qui sillonnent l’île, dégagent une odeur de vanille à deux heures du matin, une d’orange à quatre heures...

Une langue et une grammaire uniques, traitées chacune dans un chapitre, juste pour dire que l’essentiel, en évoluant, devient accessoire, que les suffixes supplantent les radicaux...

Que le bruit de l’eau modifie les paroles et que les murs sont souvent des rideaux d’eau ...

Une île ou seul un unique Livre existe : modifié par chacun, avec des poches ajoutées, telles des chapeaux de champignons qui contiennent des rubans en accordéon avec des addenda à l’histoire. Une histoire qui est effacée par l’eau, parla mer.

Une histoire qui devient l’accessoire de ses digressions.

Voilà, c’est là tout l’intérêt de ce livre : il commence comme un récit de voyage et peu à peu, nous entraîne dans l’exemple même de la vampirisation par cette philosophie du mobile.

L’autre île, que les Arabes appellent Fénix, celle qui renaît sans fin, commence comme le principal sujet mais très vite, elle s’efface.

Même avec la caution de personnages historiques comme Avéroes pour tenter d’authentifier son récit, l’auteur s’adresse au lecteur pour lui conseiller de passer un ou deux chapitres et de retrouver l’histoire principale.

Et comme le leitmotiv du Livre Unique, l’histoire, entre-temps, a tellement changé qu’elle est différente.

Comme la lecture des taches mobiles sur les murs, ce livre, L’autre île, est Le Livre de l’île, celui qui ne finit pas sur la même note que celle de tête. Sa note de coeur n’est qu’ambiance, comme une barque qui flotte et suit un courant capricieux.

Et le lecteur s’y fait, s’y adapte car au final, n’est-ce pas cela la Vie : s’adapter à chaque instant, à des situations fluctuantes qui modifient profondément l’espace et le temps, qui nous modifient...

Mais si c’est un côté pratique ou pragmatique qui vous intéresse, passez donc dans un livre de cuisine ou de jardinage.

L’autre île est une ode à l’imagination car elle n’existe que dans la tête de l’auteur qui nous entraîne dans son conte de 318 pages, tel une Sheherazade ... tchèque !

Un récit pleins de (bonnes) surprises, d’histoires plus fantastiques (des poissons vivant dans du gel, des méduses géantes, des reines pétrifiées...) les unes que les autres, un récit gigogne qui rejette les carcans des lois et des règles.

Le seul moyen de rejoindre l’île est de la rêver en lisant cette métaphore où l’anecdote supplante le compte-rendu d’un voyageur imprudent...

Unique et premier roman d’un auteur dont on reparlera...

Je n’ai pas les compétences pour juger de la traduction d’un point de vue formel mais le résultat est d’une poésie rare...

L’autre île de Michal Ajvaz, traduit par Michal Pacvon et Aline Azoulay-Pacvon, éditions Panama, mars 2007, 318 pages

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