39ème Convention nationale française de Science-Fiction et 2ème Convention nationale française de Fantasy - Semoy 2012

Un très chouette moment de rencontre de la « communauté SF » (120 participants, cette année), que je m’empresse de vous narrer.

Jeudi 23 août

J’arrive de Paris-Nord. La Gare d’Austerlitz n’est pas bien terrible, petite et grise, en face du Jardin des Plantes. La logistique de la Convention est impeccable, on vient me chercher à la gare d’Orléans-Les-Aubrais et on me conduit au Centre Culturel de Semoy, lieu de la Fête. Joli centre, très fonctionnel : la grande salle habituelle pour les exposants et deux locaux pour les débats et conférences. Beaux stands d’Eons et de Présences d’Esprit. A mon arrivée, Sylvie Laîné dirigeait un débat avec Christian Grenier sur la numérisation des livres. Jean Tag proposait ensuite une jolie présentation des adaptations de livres SF en cinéma autour du robot Adam Link. Apéro puis repas convivial, suivi d’une intervention du groupe « Remparts », joyeux lurons qui nous entretinrent du…Deutéronomicon, citations bibliques à l’appui. Peu chrétien, sans doute, mais hautement jouissif.


Vendredi 24 août

Ce matin, j’avais décidé d’un peu découvrir Orléans. Jolie ville, que je connaissais quand même un peu : la statue de Jeanne d’Arc sur la place, on ne l’oublie pas. La ville dispose d’un beau tram fort confortable, en site propre s’il vous plaît, qui vous amène de Saint-Jean de Braye au centre ville en quelques bonnes vingt minutes. Visite de l’incontournable cathédrale Sainte-Croix, puis promenade vers la Place du Martroi, centre de la cité. Par chance : une brocante de livres y était installée. J’y ai passé une heure évidemment, tout heureux, et achète un vieux bouquin très intéressant d’André Boll sur la situation de l’Opéra en France dans les années 1960. Après une bonne Leffe Rubis (je suis Belge, non ?), je parcours le « vieil Orléans » rue de Bourgogne, piétonnière, les Halles du Châtelet, et vais saluer la Loire. Petit thaï sympa bourré de touristes puis, soyons sérieux, retour à la Convention, où l’on s’occupait de vieilles affiches et de BD. Papotages avec ce cher Jean-Jacques Régnier, grand mélomane de surcroît. Moment important ensuite : l’interview par Joseph Altairac de Philippe Curval, une « légende » de la SF française. Il nous narra la naissance de la SF hexagonale, l’époque où l’on rencontrait Queneau, Vian, Tzara, de Obaldia, l’époque de la librairie « La Balance », celle du « Rayon Fantastique » de Gallet, de « Présence du Futur », de « Fiction » bientôt… Un morceau d’Histoire. Pendant la pause, je lisComment les Choses se sont vraiment passées, nouvelle uchronique de Pierre Gevart mettant Einstein en vedette. Olivier Le Bussy, fils du cher Alain, présente ensuite, en comité restreint, le travail à faire sur les inédits de son père, dont quelques œuvres inachevées. Le comité s’en charge. Souper : andouillette de Jargeau (si ! si !) ou osso bucco au menu. Suivit la grande soirée scientifique, ouverte au public. Le thème en était l’exobiologie et les orateurs des chercheurs du laboratoire du CNRS, Marylène Bertrand et Franck Selsis. Deux parties : l’apparition de la vie, puis les exoplanètes. Un peu ardu sans doute pour beaucoup, mais intéressant. L’on passait allégrement de commentaires sur la chimie de la vie élémentaire aux théories de Teilhard de Chardin, sans oublier l’histoire de la cosmogonie. Après, je fais la connaissance d’Adeline Neetesonne, jeune auteure d’Utopiques Atlantides (TdB Editions), puis revois avec plaisir Christian Grenier, grand écrivain pour la jeunesse et mélomane aussi. On parle musique, évidemment. Pendant ce temps-là, Georges Bormand erre, et Laurent Whale, goguenard, circule en saluant tout le monde de son chapeau définitivement vissé sur sa tête d’éternel étudiant rieur. Belle soirée.


© Bernard Henninger, fresque de Manchu

Samedi 25 août

La grosse journée. Après un petit-déjeuner avec Sylvie Lainé et Joseph Altairac, terrible intervention de Roland Lehoucq : « Les ET de la SF sont-ils crédibles ? ». Passionnant et surtout enrichissant. Lehoucq, scientifique éminent, a un talent fou pour expliquer en vulgarisant de manière élégante les thèmes les plus complexes. A quoi pourraient ressembler des extraterrestres ? A quels critères devraient-ils obéir pour être plausibles aux yeux de la science (actuelle) ? Y a-t-il des lois physiques inaltérables ? Comparaisons avec le règne végétal et animal : taille, alimentation, locomotion, etc. J’appris que le cerveau humain, étalé sur une table, ferait dans les deux mètres ! Et qu’une souris doit se nourrir toutes les demi-heures. La contribution se termina par la vision d’un court métrage brillant, réalisé par Denis Van Waembeke, aussi sérieux qu’hilarant. Lehoucq fut fort applaudi. Après le buffet, excellent et varié, deux débats. Le premier, sur l’humour et la SF, était totalement déjanté. Y participaient Jeanne-A. Debats, Jean-Jacques Régnier, Pierre Stolze et Raymond Milési. Aucun thème particulier mais une joute oratoire du quatuor rivalisant de dérision. « Pourquoi les Anglais ont-ils brûlé Jeanne d’Arc ? Parce qu’ils ne savaient pas faire la cuisine ». « Qui a écrit ce roman ? Je sais plus. Ah, c’est encore un roumain ». « Quelle est la différence entre le lapin ? Les deux pattes, surtout la gauche ». « Je trouve que Georges Bormand ressemble de plus en plus à Dieu jeune ». Etc. On aime ou aime pas, moi, j’ai adoré. Retour au sérieux : un débat sur la place de la femme dans la SF. Valérie Dawson modérait un joli panel : Sylvie Laîné, Laurent Whale, Ugo Bellagamba et Charlotte Bousquet. Y a-t-il une véritable écriture féminine ? Les écrivaines sont-elles féministes ? Les éditrices sont-elles pires que les éditeurs ? Après cette rencontre de haut vol, a suivi un moment plus ludique : la présentation des deux prochaines Conventions nationales. Jean-Jacques Régnier présenta celle de 2013 à Aubenas, et Pierre Gevart celle de 2014 à Amiens. Enfin, juste avant le traditionnel repas de gala : remise des prix littéraires. Petit moment d’émotion lors de l’attribution du Prix Rosny (roman) à Rêve de gloire (Editions L’Atalante) de Roland C. Wagner. Un beau panneau recensait les hommages suite à son décès tragique tout récent. Prix Rosny (nouvelle) à Ugo Bellagamba pour Journal d’un poliorcète repenti in « Galaxies 14 ». Le Prix Cyrano pour l’ensemble d’une carrière échut, sans trop de surprise, à Philippe Curval. Le repas de gala fut fidèle à la tradition, somptueux donc. Et c’est tout aussi traditionnellement que Georges Pierru entama en apothéose la vente aux enchères, dont le fruit allait à la famille de Roland Wagner.


© Bernard Henninger

Dimanche 26 août

Toujours un peu tristes, les dimanches de convention. Beaucoup s’en sont déjà allés et les animations se réduisent. Journée Portes Ouvertes pourtant. La fantasy (dont c’était la 2ème convention par ailleurs) était à l’honneur grâce à l’association Elbakin. Un groupe d’amateurs de jeux de rôles s’escrimait férocement. L’occasion de déambuler et de rencontrer plus avant certains auteurs. Je parlai ainsi longuement avec Ugo Bellagamba (il a mis huit ans à écrire Tancrède  !) et Sylvain Fontaine (aussi fan des poètes parnassiens que moi), auteurs charmants et passionnants. Joseph Altairac m’entretint de son prochain pavé chez Encrages consacré à la SF d’avant 1950 : petite pensée pour mon ami Van Herp, qui me manquait, là. J’allais oublier : j’ai acheté le dernier numéro de la Tribune des Amis d’Edgar Rice Burroughs. Mais le retour menaçait : il fallait rejoindre la gare des Aubrais, celle d’Austerlitz puis celle de Paris-Nord pour prendre le Thalys vers Bruxelles. Adieux à tous. Remerciements énormes à l’équipe organisatrice des Orléonautes sous la direction de Patrick Moreau, qui a accompli un formidable travail logistique.


© Bernard Henninger

Enfin, je signale que la Convention a édité un petit livre-souvenir de 201 pages, intitulé La Vie ailleurs, comprenant une impressionnante nouvelle de Curval , Ce n’était qu’un cauchemar, effectivement cauchemardesque, deux beaux textes d’Alain Grousset et de Franck Ferric et des illustrations de Manchu et de Cardinet, invités graphistes d’honneur. Une super chouette convention donc. La communauté SF ? Oui, elle existe, et est toujours ouverte à ceux qui en veulent faire partie : rendez-vous à Aubenas et à Amiens !

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