2013 par Pierre Efratas
Les trois livres à ne pas rater :
« Le Vieil Homme qui ne voulait pas fêter son anniversaire », de Jonas Jonasson. C’est un chef-d’œuvre d’écriture à la fois simple et érudite, de scepticisme souriant et d’observation minutieuse qui nous change des « blockbusters » écrits à la perceuse-visseuse.
« Bilbo le Hobbit » annoté, qui nous livre un tas de secrets et d’explications d’écriture. Dois-je en indiquer l’auteur ? ;-))
« Game of Thrones », la suite ! George RR Martin, féru d’histoire britannique (la guerre des deux roses affleure en tous points) et d’une vision shakespearienne de l’humanité, me venge d’une série de faiseurs en usine, de clones écrivassiers rédigeant tous selon une grille d’écriture vendue en kit par des vendeurs de papier et tapant au plus bas pour la ménagère de moins de cinquante ans (voir aussi la perceuse-visseuse). Son écriture est ciselée fine, parfois à la limite de la préciosité avec un souci constant de la chanson des mots. C’est serré, puissant, toujours juste. Un grand Monsieur.
Les trois livres qui m’ont déçu :
Seulement trois ? En tout cas, il y en a un, c’est la traduction française de « Willow ». Un salmigondis insane d’expressions pataudes dignes d’une colonie de fourmis aux pattes trempées dans l’encre, de fautes de syntaxe à faire frémir un élève de français de première année, ce papafard d’anthologie faisant ressortir tel un faux nez fluoté au milieu d’un visage blême, des failles de construction narrative à exposer au musée Spitzner, et encore je me retiens.
Les trois films qui m’ont marqué :
Honte à moi (mais c’est bon la honte) je n’ai que des divertissements à proposer ! Ainsi, j’ai adoré le dernier Astérix. Depuis le teepee d’Oumpah-Pah où il cause en bulles avec Lucky Luke, Goscinny a dû lui aussi apprécier cette dégustation d’humour qui lui rend un hommage réussi. Le mélange entre « Astérix chez les Bretons » et « Astérix chez les Normands » aurait pu capoter. C’est tout le contraire. En particulier, le jeu d’Edouard Baer et de Valérie Lemercier était aussi original que réussi, ainsi que la nouvelle façon d’envisager les relations entre les deux Gaulois.
« Associés contre le crime » m’a aussi beaucoup plu. Il y a du « Tintin » dans le propos et une pincée d’Agatha. Frot et Dussolier virevoltent sans se prendre au sérieux et, ce qui ne gâche rien, les images sont splendides.
Et enfin, « Avengers » dont l’humour et l’énergie boostée en 3D sont carrément roboratifs. Chaque personnage est très attachant et l’action vous emporte dans un tourbillon permanent.
J’aurais aimé ajouter « Le Hobbit, une journée particulière », mais je ne l’ai pas encore vu.
Ce qui me frappe dans le monde de l’édition (et les salons du livre constituent autant de révélateurs de cette situation) c’est le recours de plus en plus fréquent à la ficelle « people », au voyeurisme, à l’augmentation continue des livres pratiques et de terroir et à l’agenouillement de la littérature de SF et de fantasy francophone devant la machine états-unienne.
Quant au monde tout court ! J’en ai tant noirci des pages de papier et des posts Facebook que je craindrais de lasser, à force ! Ce qui me frappe, c’est la course à l’abîme sur fond de dogme néolibéral, de dualisation sociale et de productivisme forcené. En Europe, à la faveur de la récession sociale et économique, de la paupérisation croissante et d’une confusion grandissante entre le droit et la foi, nous voyons monter les extrêmes-droites de toutes étiologies. Celles-ci s’appuient de plus en plus sur l’idée que la religion de l’Autre menace la sienne, chacun se claquemurant dans sa « communauté », son « identité » irréfragable, ses « traditions » immémoriales forcément stigmatisées par les méchants d’en face, et ceci en appelant aux grands principes démocratiques qu’on range au placard, sitôt qu’on est en nombre et qu’on peut enfin se lâcher. Les fascismes purs et durs, à crâne rasé ou à barbe teinte au henné, craignent de moins en moins de se montrer. Etre raciste, antisémite, islamophobe, homophobe, sexiste, ignorant, violent, haineux (re)devient « tendance » par opposition affichée avec les humanistes universalistes, aux partisans de l’égalité, laïcité et la mixité affublés avec mépris de vocables comme « politiquement corrects », « laïcistes » et « droits-de-l’hommistes ». Et, face à cela, de belles personnes nous tartinent les oreilles de bons sentiments lénifiants de Bisounours relativistes, ou se taisent pudiquement en détournant les yeux ! Tout ceci me préoccupe beaucoup et je pense souvent à la phrase de Martin Luther King : « A la fin, ce qui comptera, ce ne sont pas les cris de nos ennemis, mais le silence de nos amis. »